Le contexte est tendu pour les géants du streaming. En début d’année dernière, Netflix a perdu des abonnés. La faute notamment à une concurrence toujours plus féroce. L’offre est foisonnante. Et s’ajoutent les FAST channels (Free Ad-supported TV). Ces plates-formes gratuites, uniquement financées par la publicité, grignotent des parts de marché.
Pour attirer le chaland, les productions sont de plus en plus coûteuses. Amazon va débourser plus d’un milliard de dollars pour 5 saisons du Seigneur des anneaux: les Anneaux de pouvoir. De même, un seul épisode de House of the Dragon coûterait aux alentours de 20 millions à HBO.
Pour trouver de nouveaux abonnés et des revenus supplémentaires, Netflix, Amazon ou Disney proposent petit à petit des abonnements mensuels moins chers de quelques francs, mais avec de la publicité.
Et pas n’importe quelle publicité, mais une réclame ciblée, dont les algorithmes tournent à plein régime. Dans ce secteur, Disney a désormais entre ses mains une véritable machine de guerre, bourrée d’innovations.
De la pub au bon moment
L’objectif est de comprendre les nouveaux comportements des spectateurs qui ne regardent que des vidéos à la demande. Disney teste plusieurs façons de mieux intégrer les publicités.
En vrac, des publicités qui démarrent uniquement quand le spectateur met son film sur pause, des messages qui arrivent sur le 2ème écran - votre téléphone - ou des annonces évolutives dédiées aux binge-watchers, les ogres qui enchaînent les épisodes d’une même série.
Mais surtout, ils ont développé l'algorithme YODA (Yield Optimized Delivery Allocation), un nom inspiré du fameux personnage de la saga Star Wars. Sa grande force est de savoir à quel moment il faut diffuser une publicité, quand vous êtes le plus réceptif, car l’algorithme connaît tout de vous et de vos comportements dans l’application. YODA s’inspire en effet de ses maîtres en la matière, Google et Facebook.
L’algorithme emprunte d'abord à Google l'idée qui a fait la fortune du moteur de recherche: la vente aux enchères d'espaces publicitaires. Les marques sont en compétition pour avoir la meilleure place, celle qui permet de viser juste, de toucher le bon public. Et les prix s'envolent.
L'algorithme de Disney se tourne ensuite vers Facebook et passe du côté obscur de la force. La plate-forme propose sur le site de sa régie publicitaire de cibler les "comportements de l'acheteur, les caractéristiques du ménage et surtout la psychographie".
Des techniques éprouvées
La psychographie? C’est le ciblage des spectateurs selon leurs valeurs, leurs buts dans la vie ou leurs désirs. Par exemple, l’algorithme sait si vous êtes économe, connaît vos lieux de vacances favoris ou si vous aimez les chiens. Au total, il y a plus de 100'000 segments.
L'ordinateur brosse ensuite votre portrait psychologique pour mieux vous cibler et vous influencer. La méthode publicitaire est connue du grand public pour avoir été celle qui a mené au scandale de Cambridge Analytica. Cette société qui influençait sur Facebook, grâce à ces portraits robots, le vote des citoyens américains.
Pourquoi Disney a-t-il créé son propre système? L’entreprise aurait pu faire comme Netflix, qui a choisi la technologie de Microsoft. Mais Disney voit plus loin. Les cookies, ces petits fichiers qui permettent de vous suivre à la trace, sont en effet en voie de disparition, une avancée dans la protection des données due aux régulateurs.
Il sera donc de plus en plus compliqué de suivre les internautes partout. L’idée désormais est de les faire rester dans un univers, une application, et d’en tirer un maximum de données pour faire gonfler les revenus publicitaires.
Pascal Wassmer