Comment empêcher les mineurs d'aller sur un site porno en un clic?
La Suisse travaille sur une nouvelle version de son identité électronique (E-ID) pour mieux protéger les jeunes des contenus inappropriés en ligne. Cette solution pourrait également s'appliquer à d'autres domaines tels que l'achat d'alcool en ligne et l'accès aux discothèques.
Le débat autour de la protection des enfants face à la pornographie en ligne est de retour dans les coulisses du Conseil des États à Berne. En mai, la commission des télécommunications va explorer différentes solutions pour renforcer la protection des mineurs. Toutefois, les options techniques actuelles présentent des limites: elles sont soit inefficaces, soit inapplicables, soit trop gourmandes en données personnelles.
La France, elle, a déjà fait un pas en avant en imposant l'interdiction de la pornographie en ligne aux moins de 18 ans. Comme l'explique Jean-Noël Barrot, ministre délégué à la Transition numérique, les jeunes visionnent leur premier porno vers l'âge de 11 ans. Pour remédier à cela et prouver son âge sur internet, la Commission française de l'Informatique et des Libertés (CNIL) privilégie deux solutions: la vérification par l'année de validité d'une carte de crédit et l'estimation de l'âge grâce à une analyse faciale. Cependant, ces options soulèvent des inquiétudes en matière de confidentialité et d'intrusion.
Le portefeuille d'identité numérique de l'UE
Face à ces préoccupations, le portefeuille d'identité numérique de l'Union européenne apparaît comme une technologie prometteuse. Il est capable de donner seulement les informations nécessaires. Ni plus, ni moins. Il confirme simplement que vous êtes majeur.
En Suisse également, une nouvelle version de l'E-ID est en cours d'élaboration. Cette carte virtuelle permettrait de prouver son âge sans donner trop d'informations personnelles. Interrogé dans La Matinale, Rolf Rauschenbach, chargé de communication pour l'E-ID, confirme cette fonctionnalité: "Oui, l'E-ID permet de prouver l'âge d'une personne sans passer d'autres infos comme le nom ou la nationalité."
Concrètement, au moment de la connexion à un site, celui-ci envoie la question "Cette personne est-elle majeure?". L'’E-ID répond par un oui ou un non. Rien d’autre.
Ces éléments nourriront la réflexion de la commission des télécommunications du Conseil des Etats, qui doit reprendre le débat sur la protection des moins de 16 ans face à la pornographie sur internet. L’année dernière, le Conseil national avait largement accepté une motion qui demande un contrôle efficace de l’accès aux sites pornographiques.
L'E-ID au-delà de l'accès aux sites pour adultes
Outre la protection des mineurs face à la pornographie en ligne, cette identité virtuelle pourrait être utilisée pour d'autres domaines, tels que l'achat d'alcool en ligne ou pour confirmer son âge à l'entrée des discothèques.
Le projet, encore en développement, prévoit deux tests: l'accès aux bureaux des fonctionnaires fédéraux à Berne grâce à l'E-ID et la délivrance des permis provisoires des élèves conducteurs d'un canton pilote avec l'E-ID l'année prochaine.
La Suisse collabore avec l'Union européenne pour assurer la compatibilité des systèmes. Cependant, la reconnaissance de l'E-ID suisse par l'UE nécessitera des négociations politiques. Selon Rolf Rauschenbach, "l'idée est clairement que l'E-ID suisse soit utilisable aussi à l'extérieur. Mais dans un premier temps, je crains qu'elle soit utilisable principalement en Suisse seulement".
Le Conseil fédéral prévoit de déployer l'E-ID pour le grand public d'ici 2025 au plus tôt. Et si le projet est techniquement sur la bonne voie, il reste encore du travail à accomplir avant de voir cette solution mise en oeuvre à grande échelle.
Pascal Wassmer
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