Ce n’est ni un jeu vidéo, ni de la science-fiction: à Fuzhou, dans le sud-est de la Chine, l'entreprise technologique Netdragon est dirigée par Tang Yu, une femme virtuelle, créée par les employés eux-mêmes.
"On l’a imaginée pour que les employés la trouvent sympathique et qu’en même temps elle montre le sérieux d’une dirigeante", explique dans le 19h30 Ge Yan, le responsable technique de la société.
Tang Yu est une intelligence artificielle. Elle est donc disponible 24 heures sur 24. Cette patronne a sous ses ordres 6000 salariés, qui n'ont aucun secret pour elle. Horaires, projets, performances: elle sait tout d'eux.
"Tang Yu bonjour, quel est mon bilan ce mois-ci?" lui demande Ge Yan. "Bonjour camarade", répond-elle. "D’après le règlement, au vu de tes données, de tes résultats et de tes évaluations de compétences, tu mérites une augmentation", lui annonce-t-elle.
Influenceurs dématérialisés
En Chine, l’intelligence artificielle prend de plus en plus de place. Chanteurs ou compagnons virtuels remplacent peu à peu les êtres humains.
Chez Nanjing Silicon Intelligence à Nanjing (est), on a créé des centaines de milliers d’influenceurs virtuels, qui ont l'avantage, eux aussi, d'être infatigables.
"Regardez cette fille sur l’écran: c’est un personnage virtuel généré par l’IA. Elle est en ligne en direct pour vendre des produits", déclare Sima Huapeng, le PDG de Nanjing Silicon Intelligence. "La mission de notre entreprise est de créer des vies virtuelles. C’est comme un laboratoire qui produit de nouveaux êtres", explique le dirigeant.
Alter ego 2.0
Hong Hui, une influenceuse en chair et en os, souhaite se dédoubler à l'aide de cette technologie. Pour générer son avatar, elle doit débourser 8000 francs. Son double numérique sera ensuite capable d’interagir avec ses 500'000 abonnés.
"Avec cette IA, je pourrai utiliser mon image pour produire du contenu à tout moment et n’importe où", se réjouit-elle. "Ça me permettra de réaliser plus de vidéos et d’avoir encore plus d’échanges avec mes clients et mes partenaires", précise-t-elle.
Concurrence sur le marché de l'emploi
Revers de la médaille, certains emplois sont menacés. En quelques mois, l’industrie du jeu vidéo s'est mise à avoir recours à l’intelligence artificielle, plus rapide et moins coûteuse.
"Avec l’IA, cela prend cinq minutes de faire un dessin. Pour avoir un rendu aussi précis, il me faudrait deux à trois semaines minimum", déplore à Shangaï Da Quan, graphiste de jeux vidéo au chômage.
Malgré ses dix ans d’expérience, il ne trouve plus de travail. "Autour de moi, j’ai entendu parler de beaucoup de licenciements à cause de l’IA. Presque tout le monde cherche un emploi, c’est très difficile", indique-t-il.
En Chine, le marché de l’intelligence artificielle pèse aujourd'hui près de 27 milliards de francs. Un quart des emplois du pays pourraient être remplacés par l’intelligence artificielle d’ici vingt ans.
Reportage de Lou Kisiela, Antoine Morel et Yan Chen
Adaptation web: ami