"Meta a exploité des technologies puissantes et sans précédent pour attirer (...) et finalement piéger les jeunes et les adolescents afin de faire des profits", assènent mardi les procureurs généraux dans la plainte déposée auprès d'un tribunal californien.
Les Etats, tant démocrates que républicains, affirment que le groupe californien a "dissimulé la façon dont ces plateformes exploitent et manipulent les consommateurs les plus vulnérables" et "négligé les dommages considérables" causés à la "santé mentale et physique des jeunes de notre pays".
Cette action en justice représente l'aboutissement d'enquêtes menées depuis deux ans sur les méthodes des deux plateformes, considérées comme "addictives" par les autorités.
Contacté par l'AFP, Meta s'est dit "déçu que les procureurs généraux aient choisi cette voie au lieu de travailler de manière productive avec les entreprises du secteur pour créer des normes claires et adaptées à l'âge pour les nombreuses applications utilisées par les adolescents". "Nous partageons l'engagement des procureurs généraux à fournir aux adolescents des expériences en ligne sûres et positives et nous avons déjà introduit plus de 30 outils pour soutenir les adolescents et leurs familles", a encore souligné un porte-parole du groupe.
Témoignage sur les conséquences des réseaux sociaux
A l'âge de 11 ans, pour intégrer un cercle d'amis, Alexis Spence a ouvert en cachette un profil Instagram. Les images découvertes des réseaux sociaux ont eu sur elle un effet dévastateur, témoigne-t-elle jeudi dans le 12h45: "J'ai commencé à m'intéresser aux contenus sur le fitness, les mannequins, puis petit à petit aux troubles alimentaires."
Sur ces publications, les commentaires vantaient la perfection des corps, "c'est ce que les gens veulent voir", se dit-elle. Pour se faire des amis, elle cherche donc à être parfaite. Mais avec le temps, plus elle scrolle, plus elle se trouve laide et inutile.
Anorexique et avec des projets de suicide, elle se retrouve finalement dans un hôpital psychiatrique. Aujourd'hui, Alexis Spence est une jeune étudiante et elle estime qu'elle n'aurait pas développé de trouble alimentaire si, plus jeune, elle n'avait pas vu ce type de contenu.
Une fuite interne alerte les Etats
Il y a deux ans, Frances Haugen, ingénieure et ancienne collaboratrice de Meta, a révélé devant le Congrès américain les pratiques de son ancien employeur. Elle a affirmé que la société connaissait les dangers de ses contenus sur les adolescents: "La façon dont ils choisissent le contenu sur Instagram pour les jeunes renforce leurs préférences, Facebook sait qu’ils les conduisent à l’anorexie."
L'ingénieure a également fait fuiter plus de 20'000 pages de documents internes. Martelant devant différents parlements que le géant des réseaux sociaux faisait passer les profits avant la sécurité de ses utilisateurs.
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Suite à ces révélations, plusieurs Etats se sont mobilisés. Quote Bob Harvie, président du comté de Bucks en Pennsylvanie, explique que le nombre d'étudiants et la durée de consultation des réseaux ne cessent de massivement croître, "parallèlement, la dépression et la perception négative de soi augmentent. Nous sommes à peu près sûrs que ces entreprises savent ce qu'elles font".
Meta minimise et tente de rassurer
Pour rassurer les autorités, Meta a ajouté différents outils, notamment pour aider les parents à suivre les activités de leurs enfants ou pour inciter les adolescents à faire une pause.
Mais le groupe a aussi cherché à ne pas se faire dépasser par TikTok, ultra populaire chez les plus jeunes. Instagram a copié le format vidéo de sa rivale avec les "Reels", des clips dynamiques qui accrochent l'attention et que les utilisateurs font facilement défiler. Selon la plainte de mardi, les fonctionnalités de Facebook et Instagram ont été conçues pour "manipuler les jeunes utilisateurs, afin de les inciter à utiliser les plateformes de manière compulsive et prolongée".
Les procureurs accusent en outre Meta de mentir au public (en assurant que ses produits sont sûrs et adaptés pour les adolescents) et d'enfreindre la loi sur la confidentialité des données personnelles des enfants. Jusqu'à 95% des jeunes Américains de 13 à 17 ans disent utiliser un réseau social, dont un tiers s'en servent "quasiment constamment", selon le Pew Research Center.
Sujet TV SRF adapté par Didier Bonvin
Adaptation web: Miroslav Mares avec les agences