"Certains coureurs ont confondu des piles de bois avec des autocars": jusqu'où iront les ultra-trails?
Le Swiss Peak Trail, qui a été remporté côté masculin par le Belge Victor Richard, est surnommé "la course la plus difficile au monde". Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres dans l'univers des ultra-trails: l'Ultra-trail du Mont Blanc (176 kilomètres et 10'000 mètres de dénivelé positif) ou la Petite Trotte à Léon, également dans le massif du Mont Blanc (300 kilomètres et 25'000 mètres de dénivelé positif), sont aussi particulièrement difficiles.
Ces courses ont tendance à devenir de plus en plus longues, de plus en plus dures, de plus en plus folles… Cette année, le Swiss Peaks Trail a, par exemple, doublé son parcours et sa dénivellation.
Des hallucinations
Face à cette quête perpétuelle des limites, la question se pose: jusqu'où peut-on aller? Dans La Matinale de la RTS, Julien Voeffray, directeur du Swiss Peaks Trail, s'interroge lui-même: "Au niveau des capacités du corps humain, je pense qu'on sous-estime encore nos performances. Mais organiser de telles courses, c'est une autre histoire. On atteint les limites du bénévolat et de l'encadrement médical pour assurer la sécurité des coureurs. Aller plus loin? Je ne pense pas."
Pendant la course, on peut avoir des gens qui dérapent complètement, et c'est là que l'encadrement devient vital, il leur sauve la vie
En effet, les limites ne sont pas uniquement physiques, elles sont aussi organisationnelles. Encadrer des athlètes poussés à l'extrême nécessite une logistique de plus en plus complexe. "Certains coureurs racontent avoir vu des sangliers, sans savoir s'ils étaient réels, ou ont confondu des piles de bois avec des autocars. Pendant la course, on peut avoir des gens qui dérapent complètement et c'est là que l'encadrement devient vital, il leur sauve la vie", explique Julien Voeffray. Des médecins aguerris surveillent au mieux les athlètes durant la course.
Les professionnels de la santé, comme Boris Gojanovic, médecin du sport, confirment la capacité du corps humain à résister à de tels efforts, à la condition d'une préparation adéquate. Pour lui, ce n'est pas tant la durée de l'effort qui est dangereuse, mais l'intensité: "On se rend compte que courir un marathon sans préparation peut être plus risqué qu'un ultra-trail pour un athlète entraîné."
Repousser ses limites
Cependant, la répétition de ces épreuves extrêmes et les entraînements intensifs peuvent entraîner une fatigue chronique et des blessures à long terme. Alors pourquoi ces coureurs se lancent-ils dans ces épreuves? Pour beaucoup, il s'agit de se dépasser, de repousser leurs limites, comme l'incarne Kilian Jornet, qui a récemment gravi plus de 80 sommets de 4000 mètres en seulement dix-neuf jours.
>> Lire aussi : Kilian Jornet: "Mon prochain défi? Faire du vélo avec mes filles"
Mais cette quête des limites doit être questionnée, selon Boris Gojanovic: "Pourquoi cherchons-nous à aller toujours plus loin dans des environnements hostiles? Et jusqu'où peut-on justifier de tels événements en sachant que la sécurité des participants est parfois difficile à garantir?"
Malgré ces réflexions, l'engouement pour les ultra-trails ne faiblit pas. En dix ans, la participation à ces courses a augmenté de 345%, selon un rapport en 2021. Et tout indique que cette passion pour l'extrême ne fera que croître dans les années à venir.
Adrien Krause/vajo