"J'ai l'impression de vivre un rêve éveillé. Ça a tellement d'importance pour nous. Mon pays me soutient depuis que j'ai seize ans et me regarde représenter la Dominique au niveau international. Donc en arriver là, quatorze ans plus tard, à l'apogée de mon sport et réussir à ce niveau, ça représente tout pour moi."
Ces paroles sont celles de la Dominicaine Thea LaFond dans l'émission de la RTS Tout un monde. L'athlète de 30 ans a arraché une première médaille historique pour son pays à Paris, qui plus est en or, en triple saut.
En ce qui concerne Sainte-Lucie, c'est la sprinteuse Julien Alfred qui a permis à cette petite île des Caraïbes indépendante depuis 1978 d'enfin toucher au rêve olympique lors de cette huitième participation. La jeune athlète de 23 ans a été victorieuse non seulement à l'épreuve reine du 100 mètres, mais a également remporté l'argent sur le 200 mètres.
Une soixantaine de pays toujours bredouilles
En revanche, la Bolivie, qui participait pour la 23e fois aux JO depuis 1936, été comme hiver, est une fois de plus revenue bredouille. Comme ce pays d'Amérique du Sud, près de soixante pays, dont Monaco, le Népal, la Bosnie-Herzégovine, l'Angola, le Bénin, le Bangladesh ou le Rwanda, n'ont jamais remporté la moindre médaille olympique.
Dans certains pays, je pense que le sport est trop souvent considéré comme un hobby et pas forcément comme un emploi ou une carrière professionnelle
Or, gagner une médaille peut avoir un réel impact, comme l'explique la médaillée olympique dominicaine Thea LaFond. "D'abord, cela suscite un regain d'intérêt pour l'athlétisme. Je pense sincèrement que ces petites îles ont un potentiel totalement inexploité pour l'athlétisme", souligne-t-elle.
Elle espère aussi que sa médaille, comme celles remportées dans d'autres petites nations, conduira l'Etat à investir davantage dans l'infrastructure et le soutien pour le sport en général. "Je pense que le sport est trop souvent considéré comme un hobby et pas forcément comme un emploi ou une carrière professionnelle", déplore-t-elle.
Taille de la population et richesse d'un pays
Mais pourquoi donc certains pays ne gagnent jamais de médailles? Jean-Loup Chappelet, professeur honoraire de management public à l'Université de Lausanne, explique qu'outre le fait que le niveau des JO est très élevé, la taille de la population est un facteur important. Sans compter le PIB par tête. "C'est pour ça que la Bolivie ne gagne pas de médaille. Aussi, peut-être, parce que le pays n'a pas mis en place des politiques sportives dès l'école pour favoriser la pratique sportive dans différents sports", explique-t-il.
En résumé, pour espérer gagner une médaille, il faut être plutôt issu d'un pays assez riche, et avec une population nombreuse, qui a les moyens de déceler, d'entraîner et de soutenir des athlètes de haut niveau. Le vice-président du Comité olympique népalais a d'ailleurs expliqué au New York Times que son pays n'avait jamais remporté de médailles, notamment parce qu'il avait d'autres priorités que d'investir dans le sport, comme la santé, l'éducation ou encore les routes.
Quarantaine de facteurs
Il s'agit là de la tendance générale, avec ses exceptions. Mais cela ne fait pas tout, comme le note dans Tout un monde Jean-Loup Chappelet qui met en avant une quarantaine de facteurs importants. Notamment les résultats précédents ou encore le fait de concourir dans son propre pays, c'est-à-dire pour le pays organisateur des Jeux, comme la France cette année. Ou encore la tradition sportive d'un pays ou la spécialisation dans une discipline, comme la Jamaïque avec l'athlétisme.
Les chercheurs avaient ainsi prédit environ 55 médailles pour la France à Paris 2024. Elle en aura finalement gagné neuf de plus, soit 64 médailles
Fort de ce constat, selon Jean-Loup Chappelet, il existe toute une série de modèles prédictifs qui permettent d'évaluer le nombre de médailles potentielles. "Les chercheurs arrivent à estimer assez précisément le nombre total de médailles qui seront gagnées par chaque pays aux Jeux olympiques, avec peu d'erreurs." Les chercheurs avaient ainsi prédit environ 55 médailles pour la France à Paris 2024. Elle en aura finalement gagné neuf de plus, soit 64 médailles. Il s'agit d'un record si on ne tient pas compte des Jeux de 1900, jumelés cette année-là avec l'exposition universelle de Paris, durant lesquels la France avait gagné 103 médailles, mais dans un contexte où très peu d’athlètes étrangers y avaient pris part.
Sujet radio: Cédric Guigon
Texte pour le web: Fabien Grenon
Des classements alternatifs, selon le nombre d'habitants ou selon le PIB
Certes, les Etats-Unis (126 médailles), la Chine (91) et le Japon (45) occupent respectivement les trois premières marches du podium au classement des médailles. Mais si l'on rapporte le nombre de décorations olympiques au nombre d'habitants, ce sont des nations plutôt inattendues qui prennent la tête du classement, respectivement la Grenade, la Dominique et Sainte-Lucie, comme le révèle Le Monde.
Les Etats-Unis n'arrivent qu'en 46e position, la Chine en 74e position et le Japon en 49e position. La Suisse, quant à elle, se situe à la 25e place du classement du nombre d'habitants par médaille.
Les médailles selon le PIB de chaque nation
Et dans le cas où l'on classerait les médailles selon la richesse produite par les différents pays, les résultats seraient également très différents, souligne encore Le Monde. Dans ce cas aussi, ce seraient la Dominique, la Grenade et Sainte-Lucie qui se partageraient, mais dans un ordre différent, les trois premières marches du podium.
Les Etats-Unis n'arrivent qu'en 81e position, la Chine en 78e position et le Japon en 66e position. La Suisse, quant à elle, se situe à la 71e place du classement du nombre de médailles selon le produit intérieur brut (PIB).