Médecin et chef de clinique au Service de médecine de premier recours aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), Sylvain De Lucia participait cette semaine à la première édition du HealthCH 2024, un Symposium en management de la santé, au Campus Biotech à Genève.
Le spécialiste en médecine interne, qui a intégré le groupe écoresponsabilité des HUG en 2020, y présentait une conférence intitulée "Vers un système de santé écoresponsable?". La RTS a pu le rencontrer pour mieux comprendre comment les hôpitaux peuvent faire pour réduire leur empreinte carbone.
RTSinfo: Concrètement, peut-on imager l'impact du système de santé en termes de pollution?
Sylvain De Lucia: Si le système de santé était un pays, il serait le cinquième plus grand émetteur au monde (5,2% des émissions de gaz à effet de serre, ndlr). En Suisse, cela représente 6,7% des émissions. Il est important de relever que la Suisse est un pays qui émet beaucoup de CO2. Donc ce n'est pas qu'une question de pourcentage: en valeur absolue, le système de soins est un grand émetteur.
Comment expliquer ce constat?
On l'explique parce qu'on a des soins de très haute qualité. Les Suisses sont des grands consommateurs de soins en comparaison internationale, donc beaucoup de soins de haute qualité, très techniques. Cela donne beaucoup d'émissions de CO2.
Qu'est-ce qui pollue ou émet des gaz à effet de serre dans les systèmes de soins?
Ce sont essentiellement les médicaments, le poste d'émissions numéro un. Ainsi que le bâtiment et le transport, donc le chauffage des bâtiments, y compris les cabinets médicaux. Et les consultations ambulatoires des patients émettent beaucoup de CO2 du seul fait de l'aller-retour du patient de son domicile à l'hôpital.
Les médicaments polluent, c'est-à-dire?
On déverse par nos déjections, nos urines, des médicaments dans l'environnement. Il y a aussi les eaux usées des hôpitaux, des institutions de soins, des cabinets médicaux et également celles de l'industrie pharmaceutique.
Tout en préservant une qualité des soins, comment peut-on réduire ces émissions?
L'enjeu principal pour les systèmes de soins, c'est surtout ne pas perdre en qualité. Contrairement à ce que certains peuvent penser intuitivement, ce n'est pas en faisant plus ou en consommant plus de soins qu'on obtient une meilleure qualité.
Parfois, c'est l'inverse. Arrêter d'utiliser des gaz anesthésiques à très haut effet de serre marche très bien, par exemple. Je vous donne l'exemple du desflurane. C'est le plus utilisé dans la plupart des hôpitaux. Aux HUG, comme dans d'autres hôpitaux à l'étranger, en Angleterre principalement, on a arrêté le desflurane. Cela représente 2 à 3% de l'impact total environnemental des hôpitaux qui est lié aux gaz anesthésiques.
Quelles sont les autres mesures mises en place aux HUG pour réduire cet impact?
Une des manières de diminuer l'empreinte carbone et l'empreinte environnementale, parce qu'encore une fois tout ne se résume pas aux émissions de gaz à effet de serre, c'est de mieux choisir les médicaments, d'utiliser des médicaments qui, à efficacité égale, sont plus ou moins polluants (lire l'étude réalisée par Sylvain De Lucia sur l'engagement des institutions de santé, ndlr).
On peut aussi choisir des options non pharmacologiques. Un rhume peut très bien se traiter sans médicaments! Et venir en aide aux patients, c'est leur prodiguer des bons soins, mais c'est aussi leur assurer un environnement sain, important à leur santé.
Propos recueillis par Pauline Rappaz
Texte web: Jérémie Favre