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Le masculinisme, ou pourquoi de (très) jeunes hommes se construisent une image hostile des femmes

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Alice Apostoly, co-directrice de l’Institut du genre en politique
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Alice Apostoly, co-directrice de l’Institut du genre en politique / La Matinale / 12 min. / aujourd'hui à 07:00
La pensée masculiniste gagne du terrain dans le monde, attisée par les réseaux sociaux. Pourquoi ce discours collecte-t-il des millions de vues? Enjeux en cinq chapitres avec Alice Apostoly, co-fondatrice et co-directrice du think tank de l'Institut du Genre en Géopolitique à Paris.

Des études récentes alertent de la progression du masculinisme auprès des jeunes. Cette pensée déplore une crise de la masculinité, lutte contre le féminisme et fait la promotion d’une misogynie extrême. Les autorités au Royaume-Uni ne cachent plus leur inquiétude: la police britannique a tiré la sonnette d’alarme cet été face à la radicalisation des jeunes garçons par des influenceurs en ligne.

>> Lire sur ce sujet: : L’ultra-masculinisme au Royaume-Uni est élevé au rang d’urgence nationale

Entre jeunes hommes et femmes, des codes différents

Aujourd'hui, les jeunes femmes ont une grille de lecture des relations interpersonnelles plus progressistes que les jeunes hommes, indique Alice Apostoly, interrogée vendredi dans La Matinale de la RTS. Les jeunes femmes ont intégré la libération de la parole dans le sillage de la vague #MeToo et profitent de nouvelles libertés liées à l'avancée des enjeux féministes, tandis que la grille de lecture des jeunes hommes est influencée par la pop culture ou héritée de leurs parents, poursuit la chercheuse. Cette différence induit un certain mal-être qu'on peut tous ressentir à l'adolescence, estime Alice Apostoly.

Carence éducative

"Je ne suis pas sûre que les jeunes hommes sont sensibilisés par des institutions publiques, en tout cas à l'égalité femmes-hommes", estime la chercheuse, pointant du doigt les cours d'éducation sexuelle et affective qui ne sont pas forcément assurés, voire pas du tout dans certains pays.

Aujourd'hui, cette éducation est assurée par les réseaux sociaux, juge Alice Apostoly. Conséquence: "on laisse l'opportunité à des personnes malveillantes ou des personnes qui sont hostiles, misogynes, de prendre cette place (d'éducation)".

Instrumentalisation des réseaux sociaux

Des contenus se développent sur les réseaux sociaux, en instrumentalisant un certain mal-être et en érigeant en bouc émissaire le féminisme et les droits des femmes, analyse Alice Apostoly, soulignant notamment le rôle d'influenceurs plus âgés.

Et de citer également le modèle économique des réseaux sociaux, avec une bulle algorithmique et des contenus violents qui deviennent viraux. On cherche donc le contenu "le plus violent, le plus grotesque". Certains influenceurs appellent même au meurtre ou au viol, indique la chercheuse.

De la misogynie à la haine en général

Alice Apostoly se dit particulièrement inquiète du discours masculiniste, dont certains termes sont repris par des personnalités politiques, et souligne la porosité avec les agendas d'extrême droite, notamment lié aux questions de genre.

Mais il y a également un "effet boule de neige": en diabolisant d'abord les féministes, certains discours masculinistes s'en prennent ensuite par exemple aux communautés LGBT, puis attaquent les discours anti-racistes. "Soutenir un discours de haine quelconque (comme le masculinisme) va forcément mener à un discours de haine général", avertit Alice Apostoly.

Quelles mesures de lutte?

Pour lutter contre la prolifération de discours misogynes en ligne, Alice Apostoly propose de renforcer et compléter l'arsenal juridique, politique et financier en ce qui concerne les violences faites aux femmes et les violences sexistes et sexuelles. "Ces violences sont très largement impunies dans la vie quotidienne et elles sont continuées en ligne", justifie la militante.

Elle suggère aussi d'intégrer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les politiques du numérique, réguler les multinationales du numérique, soutenir et protéger les associations féministes et LGBTQI+ et sensibiliser les citoyens et citoyennes aux discours masculinistes, mais aussi et surtout à la désinformation.

Sujet radio: Aleksandra Planinic

Adaptation web: Julie Liardet

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