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Le retour du mouvement antiféministe "Tradwives" qui promeut la soumission domestique des femmes

L'influenceuse "Tradwives" Estée Williams qui promeut la soumission domestique des femmes. [YouTube]
Le mouvement antiféministe ‘‘tradwives’’ promeut la soumission domestique des femmes: interview de Claire Sorin / Forum / 11 min. / le 15 juillet 2024
A quelques mois des élections présidentielles américaines, l'émission Forum de la RTS s'est penchée sur le mouvement des "Tradwives", qui affiche sans détour ses orientations politiques.

Les épouses traditionnelles ("Tradwives") prônant la soumission à leur mari refont surface. Ce mouvement, qui a favorisé Donald Trump en 2016, est de retour grâce à des influenceuses comme Estee Williams, une Américaine de 26 ans qui compte des centaines de milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux. Son credo: prodiguer des conseils pour un mariage réussi et une vie de femme au foyer épanouie.

"Je voulais partager avec vous les actions que mon mari et moi-même mettons en œuvre pour renforcer notre mariage. Premièrement, mon mari n’a pas à lever le petit doigt à la maison, car il est le pilier et le gagne-pain de la famille. Son travail, qui requiert de longues heures et un effort physique considérable, lui permet de remplir ce rôle. Il n'a donc pas besoin de faire le ménage ou la cuisine", déclare sur TikTok Estee Williams.

Souvent alliées à une idéologie qui soutient la suprématie blanche

Ces influenceuses sont souvent jeunes, blanches et chrétiennes, bien que pas toutes. Elles allient une idéologie ultra-conservatrice tout droit sortie du 19e siècle à une esthétique des années 1950, explique Claire Sorin, spécialiste des courants antiféministes, maîtresse de conférence en histoire et civilisation américaine à Aix-Marseille Université.

Elles se mettent véritablement en scène dans des robes très années 50, en train de repasser ou de faire la cuisine

Claire Sorin, maîtresse de conférences à Aix-Marseille Université

Les "Tradwives" ne se contentent pas d’appartenir à un mouvement qui réagit à l’émancipation des femmes, elles y jouent un rôle actif. Certaines défendent même une idéologie qui soutient la suprématie blanche. "On peut citer en exemple Ayla Stewart, l'influenceuse mormone qui a lancé un 'White Baby Challenge' sur son compte YouTube", analyse Claire Sorin.

Des origines pas très claires

L’origine précise de cette idéologie est incertaine. Certains évoquent l’année 2013 et le forum américain "Pilgrim Women", où des femmes soutenaient la cause des masculinistes. D’autres mettent en avant l’influence d’Alena Kate Pettitt, une Anglaise qui tient un blog depuis 2016.

L’essor du mouvement s’inscrit dans une société valorisant la fluidité des genres, le mariage homosexuel et la cause LGBT

Claire Sorin, maîtresse de conférences à Aix-Marseille Université

"En tout cas, c'est un mouvement qui émerge dans les années 2010 comme une espèce de contre-mouvement à ce que certains appellent la quatrième vague du féminisme". Et son essor s’inscrit également dans un contexte sociétal qui valorise de plus en plus la cause LGBT, souligne la spécialiste des courants antiféministes.

Reprise de cette idéologie par les Afro-Américaines

Mais cette idéologie n’est pas forcément liée à l’extrême droite et trouve aussi un écho chez certaines influenceuses noires. Nara Smith, d’origine sud-africaine et allemande et affiliée au mormonisme, symbolise par exemple l’émergence des "Tradwives" noires.

Des femmes noires aspirent au mariage parce qu'elles le considèrent comme un refuge qui les protège de la violence du monde extérieur

Claire Sorin, maîtresse de conférences à Aix-Marseille Université

Il est important de souligner que, historiquement, les femmes noires ont été exclues du modèle marital. De plus, 69% des enfants noirs sont issus de mères non mariées.

Quand le rêve se transforme en cauchemar

Cependant, certaines commencent à se repentir. Enitza Templeton, une Américaine de 41 ans mère de quatre enfants, a promu pendant 10 ans ces valeurs. Aujourd’hui divorcée, elle confie combien elle s’est sentie incapable de penser par elle-même.

Lauren Southern, figure emblématique de l’extrême droite canadienne, est un autre exemple notable. Connue pour ses positions masculinistes, antiféministes et nationalistes, elle s’est retrouvée seule et sans ressources après que son mari l’a quittée. Elle s’est finalement décrite comme une "esclave moderne". "On commence à recueillir énormément de témoignages similaires, la parole commence à se libérer", conclut Claire Sorin.

Propos recueillis par: Coraline Pauchard 

Adaptation web: Miroslav Mares

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