Elle a dit stop. Caroline Richli a donné sa démission après 26 ans d'enseignement dans le canton de Vaud, dont les 15 dernières années avec des classes de 1-2P. "J'ai fait un burn-out il y a huit ans", raconte-t-elle dimanche dans l'émission Mise au point. "Il y avait deux situations ingérables dans ma classe. Quand j'ai repris, j'ai essayé de faire au mieux, mais avec des petits, ce n'est pas suffisant."
Pour elle, le comportement des élèves a changé. "Je n’aime pas dire que les enfants sont pires qu’avant parce que ce n’est pas vrai. Il y a beaucoup de détresse et de souffrance dans la société en général et ils sont en première ligne. Alors ils amènent aussi leur souffrance, leurs peurs, leur colère, leurs particularités à l’école. Et beaucoup d’enfants sont sur des jeux violents ou des écrans, et ne savent plus être dans la vraie vie, dans la relation. Donc il faut leur réapprendre tout ça, ce qui est un joli défi en soi, mais pour cela, il faut avoir l’espace, le temps et les moyens de s’investir à 100% avec eux", décrit-elle.
Réduction du nombre d'élèves ou co-enseignement demandés
Une pétition d'un collectif d'enseignants vaudois va dans le sens de cette ex-enseignante. Avec des termes forts, le texte décrit certains enfants avec une grande violence en eux. Il demande des mesures rapides, dont un co-enseignement, soit la présence de deux profs lors des quatre matinées où les premières et les deuxièmes sont ensemble.
A mon arrivée il y a deux ans, nous avons lancé une enquête et démarré un train de mesures. Il faut généralement trois ans pour déployer complètement ce type d’action
Signée par plus de 2200 personnes, la pétition, soutenue par les trois syndicats SPV, SSP et Sud, sera remise mardi au Grand Conseil. A Fribourg, une autre pétition fribourgeoise demande également "une réduction du nombre d’élèves par classe, soit en diminuant les effectifs, soit en mettant en place le co-enseignement." Plus de 3000 enseignants ou personnes proches de l’école l'ont signée. Elle sera également remise au Grand Conseil du canton prochainement.
Du côté vaudois, Frédéric Borloz, chef du Département de l'enseignement et de la formation, dit avoir entendu les témoignages et le désarroi des professeurs de 1-2P. "A mon arrivée il y a deux ans, nous avons lancé une enquête et démarré un train de mesures. Il faut généralement trois ans pour déployer complètement ce type d’action", explique-t-il. Pour cette rentrée, 4,3 millions ont été débloqués spécialement pour les premières classes. Ils sont à disposition des établissements pour du co-enseignement, temporaire ou non.
Faire la police plutôt qu'enseigner
Cette double présence en classe, le collège Emile Gardaz, à Echallens (VD), a décidé de le mettre en place les deux premières semaines d'école. Pour son directeur Nicolas Viguet, qui lui aussi observe cette évolution négative dans les classes des tout petits, la mesure est nécessaire. "Cela nous permet d'identifier les élèves qui vont demander un soutien spécifique par la suite", analyse-t-il.
Dans l'établissement vaudois, Camille Rochat a ouvert les portes de sa classe aux caméras de Mise au point. Sa collègue Anouk Juriens est aussi présente durant ces premiers jours. "Je me sens vraiment démunie", relate cette dernière. "J’avais choisi ce métier pour accompagner les enfants sur un chemin qui doit leur permette de grandir. J’ai l’impression de ne plus arriver à faire ça, même si je continue de mettre tout mon amour et mon cœur dans mon métier", ajoute-t-elle.
J’avais choisi ce métier pour accompagner les enfants sur un chemin qui doit leur permette de grandir. J’ai l’impression de ne plus arriver à faire ça
"Il y a peu de moments d’échanges avec les enfants", continue Camille Rochat. "Dorénavant, nous devons plus souvent faire la police. On est là en tant que surveillantes et c’est dur de se poser avec un enfant et de faire un jeu, lui lire une histoire ou simplement lui parler, alors que certains ont besoin de ce contact avec les maîtresses."
La jeune enseignante de 25 ans essaie néanmoins de rester positive: "Cette semaine de la rentrée est la plus belle de ma vie, quand je vois les sourires des enfants. Mais si les moments positifs commencent à ne plus compenser les plus durs, je réfléchirai à faire autre chose ou autrement", conclut-elle.
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Loïc Delacour/ther