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Les préados succombent à la tendance "skincare" malgré les risques

La 'routine beauté' de très jeunes filles : des risques pour la peau
La 'routine beauté' de très jeunes filles : des risques pour la peau / A bon entendeur / 18 min. / le 11 juin 2024
Depuis quelques mois, toujours plus de jeunes filles passent leur temps devant leur miroir et multiplient les soins de la peau. Les spécialistes dénoncent ce qu'ils considèrent comme une aberration et qui est à la fois un danger pour la peau et la santé.

Lotions, soins hydratants, masques tonifiants, exfoliants: les préadolescentes ne parlent plus que de cela. Elles passent leur temps libre à faire des "skincare", comme elles disent. Elles demandent des crèmes de soin pour leur anniversaire et passent leur temps libre dans les rayons beauté des magasins.

Charlotte a 12 ans, elle a succombé à cette tendance véhiculée par les réseaux sociaux. Tous les matins, tous les soirs, elle fait une routine soins de la peau devant son miroir. Elle applique un nettoyant, puis une lotion, parfois un masque de soin, puis une crème hydratante.

"Il y avait plein de gens qui parlaient de ça sur YouTube, explique-t-elle dans l'émission A Bon Entendeur de la RTS. "Mes amies m'ont fait découvrir et j'ai bien aimé. Dans ma classe, 90% des filles font ça. Certaines mettent énormément de produits." Face à cette nouvelle habitude, sa maman est perplexe. "Elle trouve ça débile, explique Charlotte. Mais moi, j'aime bien faire ça."

Perturbation possible des hormones

Les filles de la génération alpha — nées après 2010 — copient leurs aînées influenceuses, leur style, leur vocabulaire. Sur YouTube ou TikTok, ces préados exposent leurs routines et leurs collections de produits. On y voit aussi de toutes petites filles vanter de la crème contenant du rétinol, persuadées que plus on commence tôt, moins on aura de rides.

Ce phénomène inquiète Anne-Marie Calza, dermatologue-pédiatre. "On se rend compte que les produits que ces jeunes filles utilisent ne sont pas adaptés à leur peau. Elles risquent de développer des allergies. Cela peut peut-être perturber leurs hormones à long terme, on ne sait pas très bien", explique-t-elle.

Un enfant qui utilise un peeling à PH très acide va avoir des picotements, des rougeurs et peut-être des brûlures

Céline Couteau, cosmétologue et chargée de cours à l'Université de Nantes

Céline Couteau, cosmétologue et chargée de cours à l'Université de Nantes, va plus loin. "Cette tendance est une aberration. Déjà pour l'adulte, réaliser ce que les Asiatiques appellent le 'layering', c'est-à-dire la superposition de tout un tas de cosmétiques, est aberrant. Cela engendre un effet occlusif, un effet d'accumulation qui n'est pas bon pour la peau. Ce qui n'est pas bon pour l'adulte l'est encore moins pour les enfants."

Même utilisés de manière isolée, certains produits sont inadaptés à des peaux jeunes. "Un enfant qui utilise un peeling à PH très acide va avoir des picotements, des rougeurs et peut-être des brûlures", précise Céline Couteau. "En plus, on ne sait pas du tout ce que peut provoquer un certain nombre d'ingrédients cosmétiques sur le long terme et sur la santé en général."

Restriction d'âge en Suède

Le phénomène ne touche pas que la Suisse. En Suède, Apotek Hjärtat, la principale chaîne de pharmacie, a pris la décision de ne plus vendre certains produits aux moins de 15 ans, des anti-rides notamment. Une manière pour sa directrice, Monika Magnusson, de lancer un débat de société.

"Nous avons commencé à voir un nombre croissant, non seulement d'adolescentes, mais aussi de petites filles, des enfants de 8 ou 10 ans, nous demander des produits de soins avancés", explique-t-elle. "On a réalisé qu'on pouvait imposer une restriction d'âge, ceci afin d'engager une discussion, à la fois dans nos pharmacies, mais aussi au sein de la société, autour de la table de la cuisine."

>> Lire : Une pharmacie suédoise impose une limite d'âge à la vente de certains produits cosmétiques

Les réactions ont été très nombreuses et essentiellement positives, affirme-t-elle. "On a reçu tellement de messages d'affection de la part de parents, de grands-parents, même d'adolescentes elles-mêmes, reconnaissantes et soulagées que cette question ait été soulevée maintenant."

En Suisse, de telles mesures n'existent pas. L'Association des cosmétiques et détergents a tout récemment rédigé un communiqué, dans lequel elle renvoie la responsabilité de l'utilisation de ces produits aux parents.

Valérie Demierre-Bueler

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Les masques de soins, inadaptés aux peaux d'enfants

Les jeunes filles raffolent de masques de soins à usage unique. Des produits cosmétiques qui ont généralement été développés pour des peaux adultes, mais qui sont en vente sans indication ni recommandation d'âge. A Bon Entendeur a voulu savoir quelles conséquences leurs ingrédients peuvent avoir sur des peaux d'enfants ou d'ados.

Quinze masques ont été achetés dans des magasins fréquentés par la génération alpha (Sephora, Kiko, Douglas, Peggy Sage, Migros, Maxi Bazar, Body Shop, Manor et Coop) et ont été soumis à une cosmétologue. Celle-ci en a décrypté la composition et ses résultats sont préoccupants.

Un masque acheté chez La Boutique du Coiffeur contient un produit désormais interdit dans ces soins cosmétiques (numéro 1). "Dans la liste des ingrédients, explique Céline Couteau, on va trouver un ingrédient qui a un nom barbare, l'hydrosyisohexyl 3-Cyclohesene Carboxaldehide. C’est un allergène parfumé. Il est désormais interdit par la réglementation européenne et suisse".

Interpellée, la chaîne La Boutique du Coiffeur a en conséquence retiré tous ces produits de ses magasins en Suisse et en France.

Le classement des 15 masques testés
Le classement des 15 masques testés

"Un concentré de ce qu'il ne faut pas pour un enfant"

Dix masques contiennent des ingrédients pas adaptés aux jeunes filles (numéro 2 à 11). Du rétinol, des dérivés de rétinol, des extraits de trémelle, de l'extrait d'acmla avec des effets anti-âge ou antitaches ou des effets botox à éviter chez les enfants. Certains de ces masques contiennent également des perturbateurs endocriniens.

Un masque au design coréen, acheté chez Coop, multiplie les points négatifs pour notre cosmétologue. "C'est certainement le pire. Il semble très attractif, il y a cette espèce de petit ourson, il est vraiment destiné aux enfants. Quand on regarde sa composition, on va trouver de l'origan à caractère oestrogénique. On va trouver également des extraits à effet cortico-mimétique, un extrait de saule qui contient de l'acide salicylique. C'est vraiment un concentré de ce qu'il ne faut pas mettre dans un produit pour enfants."

Quant aux quatre autres masques (numéro 12 à 15), ils ne sont ni problématiques, selon Céline Couteau, ni vraiment utiles.

Les préados, le nouveau public cible de l'industrie cosmétique

Céline Couteau dénonce cette industrie qui fait des ados ou préados un nouveau public cible, en créant notamment des nouvelles marques au packaging qui ressemble à des bonbons. "C'est affolant, il y a un nombre de marques qui se créent qui est complètement ahurissant. Il faut arrêter, il vaudrait mieux ralentir, qu'il y ait moins de marques, mais de meilleure qualité. Ces jeunes filles sont victimes des publicités, puisque l'industrie cherche à agrandir son cercle de clientèle. Il faut toujours consommer plus."

Certaines stars des ados sont recrutées par des marques bien établies, comme Lisa, star de K-Pop, devenue égérie de Mac Cosmetics. D'autres lancent leur propre marque de soin ou de maquillage, comme Selena Gomez.

Selon une étude de l'institut allemand Statista, le segment "enfants et bébés" de la cosmétique, devrait croître de 7,71% jusqu'en 2028.