Lily recourt régulièrement à la médecine esthétique et s’apprête ce jour-là à recevoir un traitement contre les cernes dans un centre à Lausanne.
"C’est pour donner un petit coup d’éclat avant les fêtes. En tant que femme, ça donne un peu de confiance", témoigne-t-elle au micro du 19h30.
"Comme une petite piqûre"
Sa doctoresse lui propose des injections de polynucléotides, soit des piqûres sur la couche superficielle de la peau, autour des yeux. La séance coûte environ 500 francs, dure une vingtaine de minutes et, selon Lily, reste supportable. "C’est comme une petite piqûre. Sur le moment, c’est un peu gênant, mais ça passe."
Avant, la médecine esthétique était perçue comme étant plutôt réservée à une tranche d'âge de 35 à 45 ans, qui avait les moyens de le faire en cachette
Les marques de l’intervention ne durent pas plus de 48 heures. Comme Lily, de plus en plus de personnes s’intéressent aux soins de beauté médicaux. Le botox ou les injections d’acide hyaluronique sont des traitements désormais largement promus sur les réseaux sociaux.
"Avant, la médecine esthétique était perçue comme étant plutôt réservée à une tranche d'âge de 35 à 45 ans, qui avait les moyens de le faire en cachette", explique Dre Marta Maneiro, directrice médicale de la clinique B2G à Lausanne. Mais les temps changent et des tabous tombent. "Ce sont justement les jeunes, après le Covid, qui ne sont plus timides à demander ce type de soins. Moi, je dirais même que ce sont eux qui ont attiré les personnes plus âgées."
Concurrence féroce
Les chiffres relatifs à ce marché ne sont pas communiqués. Toutefois, les centres-villes sont aujourd’hui envahis par de nombreuses enseignes spécialisées. L’arrivée de chaînes spécialisées a accentué la concurrence.
Il y a eu un engouement à un moment donné, certains se sont engouffrés dans la brèche pour ouvrir des établissements, mais finalement, ça s’est normalisé
Selon Fabrice Pfulg, président de l’Association des Centres de médecine esthétique suisses, "il y a eu un engouement à un moment donné, certains se sont engouffrés dans la brèche pour ouvrir des établissements, mais finalement, ça s’est normalisé. On est de nouveau sur une activité qui correspond à celle qu’on avait avant le Covid."
Le marché reste prometteur, car les effets de ces traitements ne durent que quelques mois, ce qui permet une fidélisation durable de la clientèle.
Pascale Defrance/fgn
En Suisse, la médecine esthétique n'est pas une spécialité reconnue
Aujourd’hui, le cadre légal de la médecine esthétique reste simple: tout médecin avec un diplôme post-gradué peut pratiquer des injections. Depuis quatre ans, la présidente de la Société Suisse de Médecine Esthétique, Violette Parzin, tente de faire reconnaître cette discipline officiellement, "pour que ça soit mieux cadré", comme elle l'explique au micro du 19h30. Cependant, la FMH n’a toujours pas accordé le droit à une formation spécifique en médecine esthétique.
Pour que la médecine esthétique devienne une sous-spécialité, il faut remplir plusieurs critères explique la FMH et l’institut suisse pour la formation médicale. "Cela nécessite que la Société Suisse de Médecine Esthétique propose et présente un programme de formation post gradué. Il faut que les centres qui délivrent cette formation obtiennent eux-mêmes une reconnaissance et une accréditation par l'Institut suisse de formation médicale. Et il faut surtout que les autres disciplines potentiellement concernées par la médecine esthétique soient d'accord", résume Philippe Eggimann, vice-président de la FMH.
Il est important que les médecins qui pratiquent la médecine esthétique au quotidien soient formés
Conflit avec d'autres disciplines
Mais des conflits surgissent, notamment avec les disciplines où des gestes de médecines esthétique font partie de la spécialité à des fins médicales, comme les dermatologues. Olivier Gaide, président élu de la Société suisse de dermatologie, met en avant une pénurie de médecins dans son domaine. "Est-ce qu'on peut vraiment investir notre temps dans la formation de gens qui ne vont plus faire de la médecine, mais faire de l'esthétique à la place?", s'interroge-t-il.
Pourtant, du côté de la santé publique, plusieurs médecins cantonaux soutiennent la création d’une telle formation pour répondre aux besoins croissants en matière de soins esthétiques, à l'image de Karim Boubaker, médecin cantonal vaudois. "Il est important que les médecins qui pratiquent cette médecine soient formés", insiste-t-il.
Malgré les initiatives dans d’autres pays européens, la Suisse devra encore attendre pour voir une telle spécialisation reconnue officiellement.