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Mona Chollet: "Il y a une forme de mégalomanie dans la culpabilité"

De la culpabilité. [Depositphotos - eggeeggjiew]
Aux origines de la culpabilité / Tribu / 25 min. / le 16 septembre 2024
L’essayiste féministe Mona Chollet s’intéresse à cet "ennemi intérieur" qu’est la culpabilité dans son dernier livre à paraître ce jeudi. Elle évoque aussi les racines religieuses de ce sentiment.

"À quoi bon se débarrasser des personnes toxiques autour de soi si on est aussi toxique pour soi-même?", se demande Mona Chollet dans son dernier livre, "Résister à la culpabilisation. Sur quelques empêchements d’exister" (La Découverte), en librairie le 19 septembre.

Après avoir dénoncé les agressions extérieures, les violences et le sexisme dans ses précédents livres ("Sorcières" ou "Réinventer l’amour"), l’autrice se penche cette fois-ci sur "l’ennemi intérieur".

"J’avais envie de parler de cette part d'hostilité qu'on intègre et qui, finalement, acquiert une forme d'autonomie et fait que même en l'absence de toute oppression, de toute domination extérieure, on intègre ce mécanisme et on se l'inflige à soi-même", explique-t-elle dans l’émission Tribu de la RTS. 

La culpabilité plutôt que l’impuissance

L’essayiste d’origine genevoise remonte dans son ouvrage aux racines de la culpabilité, notamment la religion: "Il y a eu pendant des siècles une insistance sur le péché, une obsession, une hantise de l'enfer. Toutes les religions, tous les monothéismes sont culpabilisants et culpabilisateurs. Mais le christianisme et le péché, c'est quand même une histoire particulière. L'examen de conscience, la confession obligatoire pendant si longtemps: je pense que c'est inévitable que ça ait laissé des traces dans nos psychés."

Je pense qu'on projette sur les chats tout ce qu'on n'ose pas être nous-mêmes

Mona Chollet

Mona Chollet estime que, paradoxalement, la culpabilité donne un sentiment de puissance, l’illusion d’être aux manettes. "Quand on se sent coupable de quelque chose, il y a une forme de mégalomanie. On s'imagine qu'on aurait le pouvoir de rendre les autres radicalement heureux ou malheureux. Et paradoxalement, cela peut être rassurant. Peut-être est-ce aussi une manière de ne pas trop affronter le fait qu'on est très souvent démuni et impuissant dans la vie face à des malheurs qui nous arrivent ou qui nous menacent."

>> Ecouter la deuxième partie de l'interview de Mona Chollet dans Tribu :

De la culpabilité. [Depositphotos - alphaspirit]Depositphotos - alphaspirit
La culpabilité dans le travail et le militantisme / Tribu / 26 min. / le 17 septembre 2024

Les chats, des modèles?

L’essayiste explore aussi la place de la culpabilité dans le monde du travail. Elle y avance une hypothèse sur… le succès des chats sur internet!

"Je pense qu'on projette sur les chats tout ce qu'on n'ose pas être nous-mêmes. Est-ce que vous avez déjà vu un chat faire dépendre sa valeur de sa productivité? Non, ça n'arrive pas. Au fond, je crois qu'on rêverait de vivre comme des chats, mais on n'ose pas construire la forme de société qui nous permettrait de vivre comme des chats", relève-t-elle.

Les réactions de colère ou d'agressivité de la part de certaines militantes féministes sont complètement justifiées, en tout cas inévitables vu ce qu'on peut encaisser en tant que femme dans cette société

Mona Chollet

Féminisme et culpabilité

Mona Chollet estime que pour beaucoup de femmes, le féminisme est devenu une nouvelle occasion de culpabiliser. "C'est délicat comme question. (…) Mais je crois que très souvent, on transforme ce combat contre un système en une surveillance de soi et des autres. On développe une sorte d'anxiété à l'idée qu'on n'est pas soi-même une féministe parfaite. Et bon, malheureusement, je crois que ce n’est pas possible."

L’essayiste prône aussi le droit à une deuxième chance. "Les réactions de colère ou d'agressivité de la part de certaines militantes féministes sont complètement justifiées, en tout cas inévitables vu ce qu'on peut encaisser en tant que femme dans cette société. Mais ce qui me paraît plus dangereux, c'est d'en faire un mode de relation et de socialisation dominant dans le milieu féministe. Je pense qu'on pourrait peut-être arriver à diversifier nos manières d'être. Et puis, parfois, donner des deuxièmes chances aux gens."

Julien Magnollay / Tribu

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