Aborder la question du poids avec un sportif, c'est entrer dans son intimité. Une seule remarque, qu'elle concerne une perte ou une prise de poids, peut être blessante et provoquer des dégâts. "Cela dépend du commentaire, de la confiance et de l'image que l'athlète a de son corps", explique Laurence Chappuis, psychologue du sport, dans La Matinale de la RTS.
Selon elle, toute allusion au poids peut être perçue négativement: "Cela peut signifier pour l'athlète qu'il n'est pas bien avec son image ou son ressenti corporel. Les jeunes, influencés par les réseaux sociaux, se comparent et pensent souvent qu'ils seraient plus performants s'ils étaient plus musclés ou plus légers. Une remarque déplacée peut ainsi mener à des troubles du comportement alimentaire."
Les athlètes peuvent en effet développer une relation conflictuelle avec leur propre corps, qui reste leur principal outil de travail. Lorsque des troubles alimentaires s'installent, les conséquences sur la santé peuvent être graves et durables, impactant leur carrière sportive et leur bien-être personnel. "On peut même parler de maltraitance, même si elle n'est pas intentionnelle", souligne Laurence Chappuis.
Un sujet encore plus délicat à l'adolescence
Le danger est encore plus grand lorsque l'athlète est un adolescent en pleine croissance. Les entraîneurs doivent faire preuve de vigilance et aborder ces questions en privé, avec tact.
"Parfois, il est nécessaire d'impliquer les parents ou de proposer une consultation avec un médecin ou un diététicien. Il est impératif de ne jamais faire de remarques sur le poids en public, surtout devant le reste du groupe, car cela peut être encore plus blessant", conseille Laurence Chappuis.
L'entraîneur doit observer comment l'athlète se sent dans son environnement sportif, comment son corps évolue, sans se focaliser uniquement sur son poids
Il est essentiel que la conversation reste un dialogue respectueux, centré sur le bien-être global de l'athlète. "L'adolescence est une période où il est crucial de laisser les jeunes se développer à leur rythme. L'entraîneur doit observer comment l'athlète se sent dans son environnement sportif, comment son corps évolue, sans se focaliser uniquement sur son poids", ajoute-t-elle.
Laurence Chappuis encourage une approche interdisciplinaire pour traiter ces sujets. Plutôt que de laisser l'entraîneur seul face à cette responsabilité, il est préférable de recourir à des experts, tels que des psychologues ou des nutritionnistes.
Le poids, une place centrale dans certains sports
Si le poids peut influencer la performance, notamment dans des sports d'endurance où la force et la légèreté doivent être équilibrées, il ne doit pas être le seul critère pris en compte. "Il est crucial que l'athlète puisse s'autodéterminer, faire quelque chose de ce qu'on lui dit, sans se sentir obligé de suivre des injonctions. L'objectif doit être un échange constructif", explique Laurence Chappuis.
87,5% des jeunes sportifs en Suisse romande ont été victimes de violences psychologiques, dont des remarques sur le poids
Pour un accompagnement efficace, l'entraîneur doit considérer l'athlète dans sa globalité: "Il faut faire un état des lieux de l'ensemble des compétences, forces et faiblesses de l'athlète pour l'aider à avancer. Le poids n'est pas toujours un sujet prioritaire; d'autres aspects peuvent être plus déterminants pour améliorer la performance."
Une étude récemment menée par l'Université de Lausanne révèle que 87,5% des jeunes sportifs en Suisse romande ont été victimes de violences psychologiques, dont des remarques sur le poids. Ces violences dites interpersonnelles proviennent majoritairement des coéquipiers et des entraîneurs. Ces chiffres alarmants soulignent l'urgence de mettre en place des politiques de prévention pour protéger les jeunes athlètes.
Conférence "Parler du poids avec les athlètes" animée par Laurence Chappuis et la médecin Nathalie Wenger, le 27 novembre à Lausanne. Plus d'informations sur associationandyou.ch
Caroline Reymond/vajo