Plusieurs entreprises font marche arrière dans leurs politiques de diversité et d'inclusion
"Nous sommes conscients que nos clients et employés ont des croyances différentes." Ce sont les mots prononcés jeudi par Jim Farley, patron de Ford, pour justifier son retrait de certains engagements pour plus de diversité notamment dans le soutien à la cause LGBT. Il a également évoqué l'environnement externe et juridique "qui évolue".
Depuis quelques mois, des activistes ultra-conservateurs font pression sur les entreprises américaines, condamnant ce qu'ils considèrent comme du capitalisme "woke" et menacent de poursuites. Pour appuyer leur propos, ils brandissent une décision de la Cour suprême américaine prise en juin 2023 qui met fin à la discrimination positive dans les universités.
Une diversité bénéfique, selon plusieurs études
Même si, à ce stade, il n'y a pas de décision de justice à destination des entreprises, l'activisme fonctionne, en particulier lorsque la base de clients est elle-même conservatrice. On a ainsi observé plusieurs entreprises comme Harley Davidson annoncer parfois de façon plus radicale la fin de leurs programmes de diversité et d'inclusion.
D'autres secteurs, comme la tech avec Microsoft, font également marche arrière, évoquant des besoins qui ont changé.
Pourtant, selon plusieurs études, la diversité amène la performance. Une tendance qui s'observe autant dans les résultats financiers des entreprises que dans leur évolution boursière. Ainsi, plus une entreprise intègre des points de vue, des parcours et des origines variées, plus elle serait performante.
Une tendance qu'on observe aussi en Suisse
Ce "backlash" ou "retour de bâton" en français s'observe également dans la finance durable, où cette fois ce sont des investisseurs qui protestent parce qu'ils estiment que les entreprises ne doivent pas prendre des positions politiques. De nombreux géants de la gestion de fonds sont revenus ces dernières années sur leurs engagements en matière de finance durable.
Depuis environ deux ans, on observe en Suisse un certain ras-le-bol autour des mesures de mixité sociale
Ce retour de bâton s'observe également en Suisse, relève Eglantine Jamet, docteure en sciences sociales, invitée samedi dans Forum. "Il y a une certaine frilosité et un peu un ras-le-bol de ces mesures. C'est assez paradoxal car, en réalité, cela ne fait pas si longtemps que les entreprises suisses ont pris ce problème à bras-le-corps."
Des "peurs masculines"
Différents facteurs expliquent ce retour en arrière. "Il y a notamment des peurs masculines, mais aussi une méconnaissance du sujet." La cofondatrice du cabinet de recrutement Artemis souligne également le décalage important entre le ressenti et les faits. Ainsi, les discussions sur la mixité sont souvent émotionnelles et basées sur des croyances plutôt que sur des données concrètes.
Enfin, poursuit Eglantine Jamet, il est important de faire comprendre aux hommes qu'ils ont aussi beaucoup à gagner à travers ces mesures, que ce soit en termes de rééquilibrage entre vie professionnelle et vie privée, mais aussi en termes de partage des rôles.
A noter que certaines entreprises restent encore très engagées en matière de diversité et d'inclusion. On le voit notamment avec la banque américaine JP Morgan dont le patron, Jamie Dimon, a rappelé l'importance de la diversité. Pas seulement d'un point de vue éthique, mais aussi d'un point de vue stratégique car cela permet de toucher davantage de communautés.
Sujet et interview radio: Mathilde Farine et Coralie Claude
Article web: Hélène Krähenbühl