Il est crucial de connaître et de reconnaître ce trouble, car aujourd’hui, dans les pays industrialisés comme la Suisse, la première cause de décès périnatal pour une mère est le suicide.
Dans le podcast "dingue", Caroline (prénom d'emprunt) raconte comment, quatre mois après la naissance de sa fille, elle a presque totalement cessé de dormir et s'est lancée frénétiquement dans divers projets, sans se rendre compte que sa perception de la réalité s'altérait: "C'est un peu comme si vous travailliez sur plein de choses qui sont dans des cases dans votre tête, et que quelqu'un ouvre tous les tiroirs, que toutes les pages s'envolent et que tout d'un coup votre cerveau, il connecte des trucs qui n'ont rien à voir."
Mais ces idées qui se mélangent ne sont pas toujours rassurantes: "j'ai pensé que c'était la fin du monde, qu'on allait tous renaître dans un très bel endroit où on serait tous bien, mais que, du coup, ça allait passer par ma mort."
Hospitalisation et traitement
Grâce à des échanges bienveillants, doux, mais déterminés de ses proches, Caroline accepte de rencontrer un psychiatre au CUP, le Centre d'urgence psychiatrique de Neuchâtel. Le lendemain, elle accepte une hospitalisation et un traitement pharmacologique, incluant notamment des neuroleptiques, que Caroline supporte mal.
Elodie Girard, psychiatre spécialisée en périnatalité et membre de l'équipe Santé psychique et périnatalité des HUG, explique: "L'objectif des neuroleptiques est de diminuer l'accélération. Forcément, ils ralentissent la pensée. Certaines personnes les supportent plus ou moins bien, mais ils sont absolument indispensables pour que la mère puisse sortir de cette période de psychose puerpérale."
Rechute
Après trois semaines d'hospitalisation, Caroline n'a qu'une idée en tête: passer à autre chose rapidement. "Je suis ressortie. Je ne voulais plus avoir de médicaments, on m'a écouté. Ces médicaments faisaient très peur. Je voulais aussi pouvoir à nouveau nourrir ma fille, je voulais reprendre le travail un peu trop vite en fait. C'est reparti. Je me rappelle d'un moment où je conduisais et puis tout d'un coup, vraiment, j'avais l'impression que mon cœur sortait de ma poitrine. On a l'impression qu'on perd pied en fait."
Je me rappelle d'un moment où je conduisais et puis tout d'un coup, vraiment, j'avais l'impression que mon cœur sortait de ma poitrine
Caroline vit alors une seconde hospitalisation qui peut être considérée comme faisant partie de son parcours de rétablissement. Elle a profondément appris qu'elle ne pouvait pas tourner la page trop vite et que certains médicaments ne devaient pas être arrêtés trop tôt.
Rétablissement progressif et soutien
Après sa seconde hospitalisation, Caroline vit encore des petits épisodes de réalité altérée (psychose), souvent en lien avec de l'écoanxiété et l'idée que ce monde est trop imparfait pour sa fille; qu'il faut le changer. Puis un jour, elle a un déclic alors qu'elle explique ses angoisses à son mari: "Ce jour-là, il m'a dit: on ne va pas changer le monde, l'écologie ça va mal, mais ça ne sera pas la fin du monde demain. Mais la chose dont ta fille a besoin, c'est d'une maman stable. C'est mon mantra depuis. Et là, je me sens stable."
Il m'a dit: on ne va pas changer le monde (...), mais la chose dont ta fille a besoin, c'est d'une maman stable. C'est mon mantra depuis
Elodie Girard explique que la PPP doit être considérée comme une complication périnatale. Elle est souvent difficile à accepter, pourtant cette acceptation est importante: "Un enjeu essentiel aussi, c'est que la mère, tout en étant dans cette attraction avec le bébé pour s'en occuper, n'oublie pas de prendre soin d'elle. Qu'elle puisse trouver un espace petit à petit pour elle et son partenaire, et faire exister cet espace dans la relation à l'enfant pour qu'ils ne se sentent pas comme des aimants collés sans distanciation possible."
Les petits superpouvoirs de Caroline
Caroline considère avant tout cet épisode de psychose puerpérale comme une épreuve difficile. Elle a aujourd'hui à cœur de promouvoir la prise en compte de la vulnérabilité des femmes durant la période périnatale: "J'ai pas mal d'amies qui sont devenues mamans autour de moi et j'ai vu beaucoup de post-partum compliqués, que ce soit pour la dépression post-partum, mais aussi pour les cas de psychose. Il faut savoir que ça existe et que ça peut arriver."
Mais cette expérience lui a aussi donné quelques petits superpouvoirs: "Je me sens plus forte aujourd'hui. Je pense que j'ai mieux compris certaines choses de mon fonctionnement. Je pense que ça a aussi plus affirmé quelque chose dans ‘qui je suis' et dans ‘ce que je veux et dans ce que je ne veux pas'. J'ose un peu plus certaines choses et notamment me protéger."
Adrien Zerbini
Besoin d'aide pour vous-même ou vos proches? Parlez-en...
Sur internet:
Pour la promotion de la santé mentale dans les cantons latins: santépsy.ch
Pour les enfants et les personnes adolescentes: ciao.ch
Pour les 18-25 ans: ontécoute.ch
Pour la prévention du suicide des jeunes: stopsuicide.ch
Le Groupe Romand de Prévention du Suicide: preventionsuicide-romandie.ch
L'Unité Malatavie des HUG pour les adolescent·e·s en crise: malatavie.ch ou par téléphone (24h/24): 022 372 42 42
Par téléphone:
147: Pro Juventute – Ecoute et conseils pour les jeunes (147.ch)
143: La Main Tendue – Ecoute et conseils pour les adultes (143.ch)
144: Ambulances – Urgences