Plusieurs chercheurs travaillent actuellement au lancement de cette plateforme participative destinée à vérifier les informations afin d'arrêter ou ralentir la circulation des fausses nouvelles. L'objectif: redonner de la confiance et de la valeur aux informations fiables et sourcées.
Le projet a été initié dès 2016 par une thèse du chercheur et développeur jordanien Fayez Alrafeea, encadrée par Basile Zimmermann, anthropologue et sociologue des technologies. Invité mardi dans La Matinale, ce dernier a expliqué le processus qui a mené à Certify. "On a commencé par travailler sur la destruction du savoir. Il y a cette idée que le savoir se transforme quand il arrive sur internet", expose-t-il.
Aujourd'hui, les gens ont perdu confiance dans les experts, alors on doit expliquer comment on arrive à une conclusion
Avec ses connaissances en développement web et le soutien financier de fonds suisses pour la recherche, Fayez Alrafeea a élaboré une plateforme dont le fonctionnement est somme toute assez simple: on lui envoie une information trouvée sur internet, la plateforme sollicite une personne experte et, à l'issue d'un processus de validation par les pairs, sa réponse sera postée là où l'information a été trouvée sur internet.
La confiance est dans la formulation
"On n'est pas sur un vrai/faux, parce qu'en sciences sociales, on sait que les réponses sont souvent situées dans l'espace et le temps", précise Basile Zimmermann. "Aujourd'hui, les gens ont perdu confiance. Personne n'a envie d'écouter des experts et avaler tout rond ce qui leur est proposé. Donc il faut expliquer comment on arrive à une conclusion."
"On utilise une technique qui s'appelle le lateral reading: on compare l'information à vérifier avec une information extérieure. À travers cette comparaison, la personne experte se positionne et explique comment elle arrive à sa conclusion", poursuit-il. Ainsi, "la question du biais est réglée par la formulation".
On sait que l'analyse est toujours temporaire, quelque part, il y a toujours une évolution qui est intégrée dans le système
Ce fonctionnement est inspiré de la méthode scientifique. "On donne la possibilité d'aller vérifier les sources. C'est ça être scientifique: c'est donner la possibilité d'aller vérifier, ce n'est pas avoir raison tout de suite et de manière absolue. Et la conclusion est toujours centrée sur la fiabilité de l'information", souligne le spécialiste en anthropologie de l'innovation.
Relecture par les pairs et évolution des connaissances
Certify a lancé la construction de son panel d'experts et d'expertes dans le monde académique, en s'appuyant sur le réseau Avis d'experts, mis en place par les universités romandes en collaboration notamment avec la RTS. La liste a vocation à s'allonger avec d'autres champs d'expertises.
"Le processus de recrutement est assez libre, mais il y a des relectures", note son cofondateur. "Ça ressemble à Wikipédia ou au processus de publication scientifique: tout ce que la personne experte fournit est relu et il y a la possibilité de reprendre après coup. On sait que l'analyse est toujours temporaire, quelque part, il y a toujours une évolution qui est intégrée dans le système."
Plusieurs médias, dont la RTS participent également à l'exercice de relecture dans certains domaines spécifiques.
La plateforme est encore en phase de construction et plusieurs défis se posent pour guider l'analyse de manière efficace, en particulier la quantité et la rapidité des informations qui circulent sur internet.
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Propos recueillis par Aleksandra Planinic
Texte web: Pierrik Jordan
Présentations et sensibilisation dans les collèges genevois
Des présentations-test sont menées actuellement dans les écoles genevoises avec le Service école-média, hébergé par l'Office cantonal des systèmes d'information et du numérique. "Il y a une demande du côté des écoles. Les jeunes sont beaucoup sur internet et il y a un souci d'accompagner", souligne Basile Zimmermann.
Le projet baptisé "Changer le regard" vise à aider les élèves du secondaire 2 à repérer eux-mêmes les fake news ou les sources douteuses. Les interventions se font en deux temps: une phase théorique de sensibilisation, puis une seconde phase d'analyse concrète d'informations.
"Concrètement, on va dans une classe, on demande aux élèves quelles infos ils reçoivent sur leurs téléphones. Souvent, c'est plusieurs centaines par jour, c'est assez inquiétant. Puis on revient une ou deux semaines après, on compare ce que les élèves ont analysé avec ce que nos experts ont analysé et on en discute. Ça marche vraiment bien, parce que les élèves sont très stimulés par le fait de choisir eux-mêmes le contenu", note Basile Zimmermann, précisant que les élèves choisissent souvent des informations "choquantes" ou surprenantes.
"On constate que ça marche très bien: même si on a analysé une seule fois quelques informations, ils ont plus d'outils pour réfléchir les prochaines fois qu'ils iront sur internet", se réjouit-il.