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La techno-médecine à l'assaut du vieillissement: entre espoirs et défis éthiques

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La technomédecine à l'assaut du vieillissement / 36.9° / 45 min. / hier à 20:15
Le vieillissement est-il une fatalité? La recherche médicale explore de nouvelles pistes pour ralentir ce processus biologique et allonger l'espérance de vie en bonne santé. Entre promesses et questionnements éthiques, tour d'horizon des avancées de la "techno-médecine" anti-âge.

Certains individus semblent naturellement résister au vieillissement. C'est le cas de Lyne Charnay, 96 ans, qui se produit encore dans les cabarets new-yorkais. "Je n'ai pas du tout l'impression d'avoir 96 ans. J'ai plutôt l'impression d'avoir 75 ans", confie-t-elle dans l'émission 36.9°.

J'ai 36 ans chronologiquement et 31 ans biologiquement

Morgan Levine, Yale, School of Medicine, USA

Lyne fait partie d'une cohorte de juifs ashkénazes étudiés pour leur exceptionnelle longévité. Le professeur Nir Barzilai, directeur de l'Institut de recherche sur le vieillissement au Albert Einstein College Of Medicine de New York qui les suit depuis plus de 20 ans, explique: "Non seulement ils sont en meilleure santé, mais ils sont malades peu de temps à la fin de leur vie". Un phénomène appelé "compression de la morbidité".

Ces centenaires en bonne santé servent de modèle aux chercheurs et chercheuses. "Ils sont un exemple pour nous. Ils n'ont pas de maladie. Ils sont en bonne santé. C'est pourquoi leur vie est si belle", souligne le Nir Barzilai.

Mesurer l'âge biologique

Au-delà de l'âge chronologique, les scientifiques s'intéressent désormais à l'âge biologique, notre "horloge interne". La chercheuse à Yale, School of Medicine, Morgan Levine a mis au point un test permettant de le calculer: "J'ai 36 ans chronologiquement et le dernier test que j'ai fait montrait que j'avais 31 ans biologiquement."

Ce test repose sur l'analyse de l'ADN et des altérations qui s'y forment avec l'âge, perturbant le fonctionnement cellulaire. Un premier rouage de notre horloge biologique se situe, pour Maria Blasco, biologiste moléculaire et directrice du Centre national de recherche sur le cancer de Madrid, dans les télomères, ces "capuchons" protecteurs au bout des chromosomes qui raccourcissent à chaque division cellulaire et fragilise notre ADN.

Rallonger les télomères: la piste génétique

Peut-on stopper ou inverser ce raccourcissement des télomères? Maria Blasco y travaille chez la souris, en injectant le gène de la télomérase, une enzyme qui rallonge les télomères. "On a observé que ces souris vivaient plus longtemps et toutes les maladies associées au vieillissement, y compris le cancer, étaient retardées", rapporte-t-elle.

L'une des caractéristiques des tissus vieillissants, c'est l'inflammation. Or, on sait que l'inflammation est à l'origine de la majorité, voire de toutes les maladies liées à l'âge

Prof. Judith Campisi, Buck Institute of Research on Aging, USA

Liz Parrish a décidé de tester cette approche sur elle-même lors d'une expérimentation controversée et interdite dans les pays occidentaux. Elle affirme que la longueur de ses télomères a augmenté de 10%. Mais les chercheurs restent sceptiques sur la validité scientifique de cette expérience menée hors cadre réglementaire.

Éliminer les cellules "zombies"

Autre piste prometteuse: cibler les cellules sénescentes, ces cellules "zombies" qui s'accumulent avec l'âge et entretiennent l'inflammation chronique. "L'une des caractéristiques des tissus vieillissants, c'est l'inflammation. Or, on sait que l'inflammation est à l'origine de la majorité, voire de toutes les maladies liées à l'âge", explique la professeure Judith Campisi, biogérontologue au Buck Institute of Research on Aging.

Des essais cliniques sont en cours pour tester des molécules "sénolytiques" capables d'éliminer ces cellules. Le professeur Valter Longo, biogérontologue à l’Université de Californie, met en garde: "Si vous fabriquez un médicament anti-cancer, vous pouvez accepter les effets secondaires. Mais si vous donnez un médicament à des personnes en bonne santé, vous ne pouvez pas raisonner comme ça."

Le jeûne, une piste naturelle?

Loin de ces techniques de pointe, des approches plus naturelles comme le jeûne suscitent l'intérêt des chercheurs. Valter Longo a montré que trois cycles d’un régime pauvre en sucres et en protéines de cinq jours étalés sur cinq mois permettaient de réduire l'âge biologique de deux ans et demi en moyenne.

On nous demande d'explorer les limites de la connaissance. On ne peut pas nous freiner dans le développement de ces expérimentations. Par contre, il faut le réglementer

Prof. Jean-Marc Lemaître, directeur de recherche à l'Inserm et codirecteur de l'Institut de médecine régénérative et biothérapies de Montpellier

"Le jeûne provoque des effets non pas sur un seul aspect, mais sur plusieurs systèmes biologiques. Et apparemment rajeunit ces différents systèmes", explique-t-il. Des essais sont même en cours sur la maladie d'Alzheimer, avec des résultats préliminaires encourageants.

Entre espoirs et questionnements éthiques

Si ces recherches ouvrent des perspectives inédites, elles soulèvent aussi des questions éthiques. Jusqu'où aller dans la quête de longévité?

"On nous demande, chercheurs, d'explorer les limites de la connaissance. On ne peut pas nous freiner dans le développement de ces expérimentations. Par contre, ensuite, effectivement, il faut le réglementer", souligne le professeur Jean-Marc Lemaître, directeur de recherche à l'Inserm et codirecteur de l'Institut de médecine régénérative et biothérapies de Montpellier.

Entre espoirs et défis, la "techno-médecine" anti-âge n'a pas fini de faire parler d'elle. Mais comme le rappelle Nathaniel "Ned" David, directeur d’Unity Biotechnology, les deux "médicaments" les plus efficaces contre le vieillissement restent pour l'instant le jeûne et l'exercice physique. Des approches simples et accessibles à tous, en attendant les futures thérapies hightechs.

Reportage TV: Sylvie Gilman et Thierry Lestrade, adapté par Emmanuelle Bressan

Adaptation web: Gaëlle Bisson

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