Handicap: "Mon appartement, c'est une manière d'être maître de ma propre vie"

"Ma vie, mon appart", le projet pilote vaudois qui permet aux personnes en situation de handicap de vivre chez elles
"Ma vie, mon appart", le projet pilote vaudois qui permet aux personnes en situation de handicap de vivre chez elles / 12h45 / 2 min. / hier à 12:45
Quand l'AI ne suffit pas, certaines personnes en situation de handicap se retrouvent sans autre choix que la vie en institution. Une restriction de liberté à laquelle le projet pilote vaudois "Ma vie, mon appart" offre une alternative. Témoignage.

"En institution, c'est une vie en communauté. Même si elle m'a beaucoup apporté, j'avais le droit à deux sorties individuelle par mois, j'avais des horaires pour manger, des horaires pour me coucher, mes contacts avec l'extérieur étaient compliqués", explique Sébastien Zuretti.

Grâce à "Ma vie, mon appart", un projet pilote de l'association Cap-Contact, le trentenaire vit depuis cinq ans en appartement, dans un locatif vaudois. Des auxiliaires de vie se relaient pour l'aider à domicile. De petits éléments d'autonomie du quotidien lui sont accessibles: sortir quand il veut, apprendre des recettes de cuisine à ses assistants, slamer, donner des cours de théâtre...

"C'est bien plus qu'un logement", témoigne le Vaudois. "Il s'agit vraiment de revendiquer ma place dans la société, de pouvoir prendre mes propres décisions dans ma vie et d'apporter des choses aux gens autour de moi et ne pas être réduit à mon handicap."

Combler les lacunes de l'Assurance invalidité

Ce projet pilote, soutenu par le Canton de Vaud, comble une partie des faiblesses du système existant: les contributions d'assistance de l'Assurance invalidité (AI), instaurées en 2012. Une aide qui permet aux personnes vivant avec un handicap d'engager des assistants pour leur quotidien, mais qui peut se révéler inadaptée, notamment pour les handicaps physiques qui demandent beaucoup d'aide et pour certains handicaps cognitifs.

Si les personnes devaient tout organiser seules, l'intensité de l'effort à fournir serait trop important

Fabrice Ghelfi, directeur de la Direction générale de la cohésion sociale du Canton de Vaud

"Ma vie mon, appart" (et son équivalent pour le handicap mental "Mon Plan") proposent l'aide de "case manager", qui aident les participants au programme à gérer leur personnel d'aide à domicile: jusqu'à une dizaine pour certaines situations.

Fabien Ghelfi, directeur de la Direction générale de la cohésion sociale au Département de la santé et de l'action sociale vaudois (DSAS), appuie: "L'association et les cases managers pilotent cette grosse organisation. Le recours à ces professionnels facilite l'entrée en appartement. Parce que si les personnes devaient tout organiser seules, l'intensité de l'effort à fournir serait trop important".

Malgré cette aide, "entre les démarches qu'il faut pour recevoir l'argent du canton et celui de l'AI, je passe à peu près deux jours par mois à tout justifier", explique Sébastien Zuretti.

>> Lire aussi : Des organisations pointent des lacunes dans le respect des droits des personnes handicapées

Moins coûteux à domicile qu'en institution

En participant à ce programme, le Canton de Vaud souhaitait aussi vérifier ce que coûtaient les prestations du projet pilote. Fabrice Ghelfi tire un premier bilan provisoire positif: "Quand on compare la vie en institution, avec toutes ses prestations, et la vie en appartement — même avec l'encadrement qui s'y déroule — on peut s'attendre à ce que cette vie en appartement coûte un petit peu moins cher."

Quand on compare la vie en institution et la vie en appartement, on peut s'attendre à ce que cette vie en appartement coûte un petit peu moins cher

Fabrice Ghelfi, directeur de la Direction générale de la cohésion sociale du Canton de Vaud

Sans oublier, ajoute-t-il, qu'"il faut aussi tenir compte des éléments d'indépendance, de respect de la vie privée, d'autonomie qui eux ne sont pas chiffrables mais qui doivent aussi rentrer dans l'évaluation".

"Ce qui serait à mon avis améliorable", estime Sébastien Zuretti, "c'est que nos employés sont mieux considérés que des aidants en ménage". La contribution d'assistance commence à 34,30 CHF brut de l'heure.

Le logement, thème politique récurent

La question de l'égalité dans le choix du lieu de vie et de la garantie d'une aide à domicile a été une thématique politique récurrente au niveau Suisse. L'initiative populaire pour l'inclusion en fait un de ses points centraux, le contre-projet du Conseil fédéral à cette initiative aussi. Et une motion sera débattue au printemps 2025 au Parlement. Une minorité du Parlement s'y opposait en mars 2024, majoritairement UDC.

Quant au succès du projet pilote vaudois auprès des personnes en situation de handicap, le secrétaire général de Cap-Contact et conseiller national socialiste Jean Tschopp explique recevoir "énormément de demandes". "Nous avons du mal à suivre, de la part de personnes qui veulent quitter leur institution comme de parents vieillissants qui ne veulent pas que leur enfant y vive."

>> Témoignage d'Alma Fivaz, mère d'un jeune polyhandicapé :

Une motion au Conseil National veut encourager le libre accès au logement des personnes handicapées. [Keystone - Gaetan Bally]Keystone - Gaetan Bally
Une motion au Conseil National veut encourager le libre accès au logement des personnes handicapées / La Matinale / 1 min. / le 7 mars 2024

Mathias Délétroz

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