Le Conseil fédéral a reconnu mercredi que ce Pacte est dans l'intérêt de la Suisse, mais estime qu'il est trop tôt pour le signer.
"C'est d'abord une erreur de politique extérieure où l'on s'allie avec des gens qui n'ont rien de recommandable, le FPÖ en Autriche, l'Afd en Allemagne, deux partis d'extrême-droite. C'est Orban en Hongrie, Netanyahu en Israël ou Trump aux Etats-Unis. Donc la Suisse n'a pas les bons amis sur le plan international", regrette le président du Parti socialiste suisse Christian Levrat, mercredi dans Forum. Et d'ajouter: "Sur le plan national, c'est une génuflexion devant l'UDC et les pressions qu'elle a exercées".
La Suisse n'a pas les bons amis sur le plan international.
"Contradiction" en matière de politique migratoire
Par ailleurs, pour Christian Levrat, "en matière de politique migratoire, et c'est ça le plus important, c'est une contradiction avec ce qu'on mène depuis des années".
"Ce que dit ce pacte, c'est qu'il faut investir dans les Etats d'origine des requérants, qu'il faut lutter contre la migration illégale, qu'il faut collaborer pour identifier les migrants, qu'il faut introduire une obligation pour les Etats de reprendre leurs ressortissants, qu'il faut collaborer sur le plan international pour régler un problème global qui est celui de la migration... Je ne vois pas ce qu'il y a de critiquable là-dedans, c'est la politique de la Suisse à 100% et c'est ce que dit le Conseil fédéral", détaille-t-il, avant d'évoquer "une conclusion inverse" qu'il "a du mal à comprendre".
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"Hystérie" de la discussion
Interrogé sur le caractère provisoire de la décision du Conseil fédéral, Christian Levrat répond que "cela n'améliore pas les choses". "Tout le monde semble avoir ignoré le fait qu'il s'agit d'un accord qui n'est pas contraignant, une forme de déclaration de principe que font les membres de l'ONU (...). Les déclarations de ce type relèvent du Conseil fédéral et pas du Parlement", observe-t-il.
Pourtant, à ses yeux, "le Conseil fédéral n'est pas totalement innocent. Il a omis (...) de consulter à temps le Parlement sur les positions de la Suisse dans ce secteur". "Mais à mon avis, on répond à une omission par une violation de la Constitution suisse, ce n'est pas défendable. Et cela souligne l'hystérie qui entoure cette discussion", estime Christian Levrat.
"En matière de politique internationale, ce pacte porte le drapeau suisse (...). Il correspond en tous points à la politique migratoire de la Suisse, donc on est dans quelque chose qui est identifié comme suisse au niveau global. Mais on est en train de porter un coup dur à notre crédibilité", regrette-t-il encore.
"On a basculé dans un autre monde"
L'ancienne conseillère fédérale socialiste Micheline Calmy-Rey s'est montrée elle aussi particulièrement préoccupée par cette situation dans le 19h30. "On a basculé dans un autre monde, ce n'est pas seulement en Suisse", a estimé la Genevoise. "Il y a un mouvement de suspicion par rapport au multilatéralisme, par rapport à la coopération internationale, envers les organisations internationales. Et on le voit en Suisse, il y a des hésitations sur la coopération internationale. C'est particulièrement malheureux sur des sujets sensibles comme l'interdiction des armes nucléaires ou le pacte mondial sur les migrations."
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Propos recueillis par Tania Sazpinar et Renaud Malik/jvia