"Il n'a pas eu besoin de me contraindre physiquement. J'avais déjà tellement peur que j'ai dû me laisser faire, parce qu'il venait de me frapper, (...) alors que je ne voulais pas et qu'il savait que je ne voulais pas."
Victime de viol conjugal il y a quatre ans, Sonia Grimm sort du silence. Dans un livre intitulé "Insoumise. Autopsie d'un amour destructeur" publié ce printemps, l'interprète de chansons pour enfants relate les épisodes de violences, d'abord psychologiques, puis physiques et sexuelles, qu'elle a subis de la part de son ancien conjoint.
Après avoir été agressée physiquement, Sonia Grimm décide de porter plainte. Elle se rend chez le médecin pour que celui-ci atteste de ses blessures, ainsi qu'au poste de police. Ce n'est qu'alors qu'elle comprend qu'elle a formellement été victime d'un viol. Et qu'on lui explique que depuis 2004 le viol conjugal est poursuivi d'office en Suisse.
En 2015, l'ex-mari de la chanteuse est condamné à une peine avec sursis. Une condamnation qui reste généralement rare, faute de preuve dans ce type d'affaires.
Un "non" encore souvent incompris
Egalement victime de viol conjugal, Emilie(*) a compris tard qu'elle s'était retrouvée prisonnière d'une relation toxique, dont elle ne voyait plus comment se sortir.
"Cela m'est arrivé à plusieurs reprises de pleurer (durant l'acte sexuel), parce que je ne pouvais pas faire autrement", confie au 19h30 la jeune femme. "Une fois en particulier, (mon mari) m'a dit 'arrête de pleurer, j'ai l'impression de te violer'. Et cela m'a fait bizarre, j'étais tiraillée entre la reconnaissance du viol et l'idée que je n'étais pas gentille, que je ne lui donnais pas ce dont il avait besoin."
Car selon les spécialistes, l'emprise du bourreau sur sa victime caractérise ces situations. A force de dévalorisation et de manipulation, cette dernière ne sait plus qui elle est. En outre, oser dire non au sein du couple est encore souvent incompris.
"La position actuelle de la femme au sein de la société est assez récente et ce 'non' est aussi récent", rappelle Nathalie Riesen, sophrologue et experte en relations toxiques. "Lorsqu'une femme est victime d'emprise, qu'elle est en perte de confiance, totalement isolée, il est difficile de se positionner de manière claire."
Le déclic salvateur
"C'est difficile de faire comprendre ce que l'on vit dans l'intimité du couple, à la maison", confirme Sonia Grimm. "Parfois, on donne de l'extérieur une image d'un couple qui fonctionne (...), mais tous les dysfonctionnements restent à l'intérieur du couple et ne sortent pas des quatre murs de la chambre à coucher."
Sortir du piège affectif destructeur est extrêmement difficile pour les victimes, mais Emilie, mère de deux enfants, a tout de même eu un déclic salvateur.
"Une fois, (mon mari) s'est vraiment fâché et a donné un coup de poing qui a cassé une porte", se souvient-elle. "Il a dit 'je vais tuer quelqu'un', je ne savais pas s'il parlait de moi ou des enfants, mais je me suis sentie menacée et je me suis rendue compte qu'il ne fallait pas attendre d'être morte pour partir." Et elle est partie.
Associations à contacter
Les victimes de viol peuvent contacter plusieurs organismes à même de les épauler. C'est notamment le cas des centres LAVI, qui couvrent de nombreuses régions en Suisse, de l'association Viol-Secours, qui fournit une permanence téléphonique, un accompagnement et des conseils dans les démarches juridiques ou médicales ainsi que l'association AVVEC, qui dispose du même type de prestations.
Par ailleurs, les hôpitaux sont également des institutions que toute victime de viol peut contacter.
Chloé Steulet/tmun
(*): prénom d'emprunt