Le cancer du sein tue 1400 femmes par année en Suisse. Dans nos régions, une femme sur huit y sera confrontée pendant sa vie. Or, l'étude internationale lancée ce samedi a pour objectif de comparer le dépistage de masse qui se pratique actuellement à un dépistage personnalisé qui permettrait de mieux suivre les femmes à risque.
Patrimoine génétique
Pour Christine Bouchardy, il est clair que si on cible mieux, on dépiste mieux: "Chaque femme est différente de par ses habitudes de vie et son patrimoine génétique. Et si on dépiste plus les femmes à risque et moins les femmes qui ne le sont pas, on arrivera à un rendement plus efficace. On attend donc avec impatience les résultats de cette étude, qu'on aura d'ailleurs pas avant plusieurs années", précise-t-elle.
L'étude est basée sur les antécédents familiaux des participantes mais aussi sur un test génétique, puisque 10 à 15% des cancers du sein sont d’origine génétique. Il est donc indispensable de rechercher chez elles à la fois les habitudes de vie et les gênes dont elles sont porteuses pour pouvoir identifier exactement le risque qu’elles auront de développer un cancer du sein.
Moins de "faux positifs"
Mais la professeure relève plusieurs problèmes liés à cette étude. Christine Bouchardy estime que "la femme va avoir connaissance de son risque, donc il pourra y avoir une fausse assurance de celles qui seront considérées à risque bas, alors qu’elles pourront développer un cancer. Et, à l'inverse, certaines vont porter le poids extrêmement lourd de savoir qu'elles sont à plus haut risque durant toute leur vie alors qu'elles ne développeront peut-être pas de cancer".
Par ailleurs, le dépistage personnalisé va limiter les erreurs de diagnostic comme les "faux positifs" simplement parce qu’on va dépister préférentiellement les femmes à haut risque.
Inégalités sociales
Mais, souligne Christine Bouchardy, "d’un point de vue de santé publique le dépistage personnalisé ne va absolument pas résoudre les problèmes que l’on connaît actuellement avec les programmes "traditionnels". (...) On sait que les femmes étrangères ou issues de milieux défavorisés ne participent pas au dépistage. Et ce dépistage individuel, qui va être beaucoup plus compliqué que celui qu’on propose va creuser ces inégalités sociales de façon importante."
La directrice du Registre genevois des tumeurs préconise d’améliorer le dépistage actuel, ses inégalités sociales et géographiques, avant d’aller vers l'approche de luxe qu’est le dépistage personnalisé: "Je pense que le fait de diminuer la participation au dépistage en tant que tel va forcément augmenter la mortalité par cancer du sein si on n’arrive pas à résoudre, dans le cadre de cette étude, l’acceptabilité en particulier pour les femmes issues de milieux défavorisés."
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Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web Pierre-Yves Maspoli