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Le M2 arrive: interview de François Marthaler

François Marthaler, écologiste convaincu et chef du DINF vaudois.
François Marthaler, écologiste convaincu et chef du DINF vaudois.
A l'occasion de l'inauguration du M2, François Marthaler évoque les défis qui attendent la mobilité vaudoise. Avec un objectif central: améliorer les transports publics pour diminuer l'importance de la voiture. Interview.

Le chef du Département des infrastructures vaudois (DINF) sait
comment occuper ses week-ends: trouver comment, d'ici à 2020,
améliorer le réseau vaudois des transports publics. Quand on sait
que le canton compte 650'000 habitants et qu'il est en pleine
expansion, le conseiller d'Etat a du pain sur la planche. Le M2
n'est qu'une étape, certes importante. Et après, Monsieur
Marthaler?

En tant que ministre Vert des infrastructures, on
imagine que la mise en service du M2 est un véritable
aboutissement.




C'est une révolution pour la ville de Lausanne. D'une part parce
qu'on aura enfin une prestation de transport public nord-sud,
c'est-à-dire dans le sens de la pente, là où les transports de
surface sont peu efficaces - près de 45 minutes pour traverser
Lausanne, contre 18 minutes au M2. D'autre part, le M2 devrait
accueillir entre 20 et 25 millions de passagers par année. Pour
vous donner un ordre de grandeur, le M1 (ndlr: le M1 relie le Flon,
au centre de Lausanne, à Renens en passant par l'UNIL et l'EPFL) en
totalise actuellement 10 millions.



On parle déjà de saturation. Vous êtes
inquiet?




Oui, bien sûr. Ce qui m'inquiète surtout, c'est de voir que la
fréquentation des CFF a augmenté de 10% entre Lausanne et Genève
sur les six premiers mois de l'année. C'est colossal. Ce succès
éclatant des CFF et ses répercussions sur le M2 me font souci.

A Lausanne, on craint
surtout pour le tronçon entre la gare CFF et la gare du Flon, à tel
point qu'on prévoit la construction d'un tapis roulant pour
décharger le M2. Est-ce qu'on a vu trop petit
?



Vu l'augmentation de la population et de la mobilité des
habitants, nous savions dès le début que le M2 serait très utilisé
et qu'il connaîtrait une hausse de fréquentation dans les 5 à 6 ans
à venir. Soulager le M2 en transférant des utilisateurs grâce à ce
tapis roulant, moyennant un tunnel nettement moins coûteux que
l'achat de nouvelles rames de métro, est une bonne solution. A la
problématique de l'augmentation de la population s'ajoute notre
objectif de transférer le transport individuel motorisé vers les
transports publics (le transfert modal). Nous ne sous-estimons pas
le développement du canton, mais il faut reconnaître que les
efforts à fournir sont très conséquents.

"Etaler la confiture"

La capacité de la gare de Lausanne, qui est un noeud
ferroviaire entre Genève, le Valais, Berne et la ligne du pied du
Jura, est également source d'inquiétudes. Certains ont même évoqué
la possibilité de construire une gare souterraine!




Nous sommes conscients que la capacité de la gare de Lausanne
posera problème à l'avenir. Mais avant d'en arriver à la
construction d'une gare souterraine, qui se ferait en dessous de
celle du M2 (!), nous miserons notamment sur une prolongation des
quais, la création d'une à deux voies supplémentaires et le
développement d'autres gares, comme celle de Prilly-Malley, dans le
cadre du projet de RER vaudois, et celle de Renens, qui va devenir
la 2e gare du canton. Avec ce dernier point, l'objectif est «
d'étaler la confiture » afin que Lausanne ne soit pas la seule
porte d'entrée de l'agglomération. A ce titre, il est question
d'augmenter de 150% l'offre en transports publics dans l'ouest
lausannois, qui est très motorisé.







Pour y arriver, vous misez notamment sur le nouveau RER
vaudois.




C'est un projet très important, avec un investissement de 80
millions de francs, dont un crédit de 40 millions (ndlr : qui doit
encore être soumis au Grand Conseil) pour la gare de Prilly-Malley,
qui devrait être mise en service fin 2011. Le développement de
cette halte est indispensable pour atteindre l'objectif que nous
nous sommes fixés, à savoir une cadence au quart d'heure entre
Cossonay et Cully, en passant par le centre de Lausanne avec une
moyenne de 56 km/h. Dans quelque temps, il faudra être tombé sur la
tête pour venir en voiture à Lausanne...



Ce projet n'est pourtant qu'une étape pour le
développement ferroviaire.




Au total, il y en a pour 650 millions de francs de travaux d'ici à
2018 si l'on veut que notre système de RER soit efficace. Ce qui
revient à augmenter d'environ 50% l'offre de RER, que ce soit
depuis Yverdon, Allaman, Villeneuve ou Palézieux.

Le patron des CFF, un allié de poids

Bientôt, il faudra
être tombé sur la tête pour venir à Lausanne en voiture...

François Marthaler






Et dans ces 650 millions, il y a 210 millions pour la construction
d'une 4e voie entre Renens et Lausanne, qui en principe sont
assurés, ainsi que 410 millions destinés à la fameuse 3e voie entre
Renens et Allaman. C'est là que le bât blesse puisque ce projet,
qui fait partie du fameux ZEB (lire ci-contre), est du ressort de
la Confédération...




Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais nous avons un
allié de poids dans la bataille: les CFF. Lors de sa venue à
l'occasion des 150 ans de la ligne Lausanne-Genève, Andreas Meier a
pris position publiquement pour la 3e voie et cela m'a fait grand
plaisir. Il a pu constater où était le demande et le soutien
politique. La Suisse romande a du retard à combler en matière
d'utilisation des transports publics et les CFF en sont conscients
: il est plus facile de trouver des nouveaux clients en Suisse
romande qu'en Suisse alémanique, où sur un parcours comme
Zurich-Berne, 88% des gens se déplacent en train. Les CFF ont un
intérêt objectif évident à augmenter le nombre de places assises
sur un tronçon où la demande explose.



Lors d'un discours, vous avez dit espérer fêter dans 30
ans les 15 ans de la 3e voie. Autant dire que vous ne serez plus en
fonction!




Oh non, et c'est le destin de tout chef du Département des
infrastructures. La preuve, je vais inaugurer le M2 qui a été lancé
par Daniel Schmutz dans les années 90 et dont les crédits ont été
obtenus par Philippe Biéler. Depuis cinq ans, je passe beaucoup de
temps à inaugurer des réalisations que je n'ai pas initiées ! Le
coup de force de la gare de Prilly-Malley sera le seul projet
d'infrastructures ferroviaires que j'aurai mené de bout en
bout.



Propos recueillis par Patrick Suhner

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"Une troisième voie autoroutière? Il n'en est pas question!".

On a beaucoup parlé de transports publics, parlons un peu de transports motorisés. Il est aussi question d'une 3e voie autoroutière entre Lausanne et Genève...

Dans le canton, nous avons déjà l'un des taux de motorisation les plus élevés de Suisse. Il n'est donc pas question d'augmenter le trafic motorisé. Bien au contraire: dans son programme de législature, le Conseil d'Etat s'est fixé pour objectif de diminuer les déplacements en voitures, qui représentent aujourd'hui 75% du total des déplacements dans le canton. Nous voulons baisser ce chiffre à 70% d'ici à 2012 et à 50% d'ici à 2050. Elargir l'autoroute serait donc contraire à l'engagement du gouvernement.

Que faire alors pour désengorger l'autoroute?

Il y a bien sûr la possibilité d'utiliser la bande d'arrêt d'urgence, ce que nous allons bientôt pouvoir faire. Mais il faut surtout rendre les transports publics plus performants! Le tronçon le plus engorgé sur l'autoroute se situe entre Lausanne et Morges, avec 90'000 à 100'000 véhicules par jour (contre 65'000 pour le reste du tronçon). Avec une bonne offre de transport public interne à l'agglomération, on pourra donc drastiquement diminuer le transport motorisé là où ça fait mal. Si l'on prend les chiffres du recensement 2000, on constate que dans l'agglomération lausannoise, la part de l'automobile pour se rendre au travail se monte à 49%, contre 40% à Zurich, 36% à Berne et 34% à Bâle. Nous avons un sacré retard à rattraper!

Petit lexique de la mobilité vaudoise

PALM (pour Projet d'agglomération Lausanne-Morges): ce projet de développement de l'ouest lausannois comporte un volet très conséquent dévolu aux transports publics, qui doit accompagner le développement du RER vaudois. Il prévoit, dans une première étape allant de 2011 à 2014 et devisée à 330 millions de francs, la construction d'un tram Renens-Flon ainsi que l'aménagement en site propre de plusieurs lignes de trolleybus. Dans un 2e temps, pour une somme proche des 600 millions, il doit permettre le prolongement de la ligne de tram vers le nord de Lausanne et du côté de Bussigny. Le PALM a été déposé à Berne en décembre dernier en vue d'être financé en partie par le Fonds d'infrastructure.

LEB (pour Lausanne-Echallens-Bercher): ce RER s'est ouvert en 1874. Depuis le prolongement de la ligne jusqu'au Flon en 1996, elle a vu doubler sa fréquentation à 3,5 millions de passagers par année.

ZEB: c'est le fameux "futur développement de l'infrastructure ferroviaire" de la Confédération, anciennement connu sous l'appellation "Rail 2000, 2e étape". C'est dans ce projet que se trouve la 3e voie CFF entre Lausanne et Genève. Avec quelle priorité? C'est toute la question. A Berne, les Romands - Genevois et Vaudois en tête -, ont accentué la pression. Le Parlement doit à nouveau se pencher sur la question ces prochains jours...

A1: c'est l'autoroute Lausanne-Genève, si chargée aux heures de pointe. Le Centre patronal vaudois a récemment réclamé une 3e voie, dont le coût est évalué à 1,5 milliard. François Marthaler n'est pas emballé. Moritz Leuenberger s'apprête à faire des propositions. Suspense...

TSOL (pour Tramway du sud-ouest lausannois): les étudiants de l'UNIL et de l'EPFL le connaissent bien. Ce métro, rebaptisé M1, relie la gare du Flon à celle de Renens.

M2: on ne le présente plus...