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Ignazio Cassis assume sa visite dans une mine de Glencore en Zambie

En visite chez Glencore en Zambie, Ignazio Cassis complimente l'entreprise controversée et crée la polémique
En visite chez Glencore en Zambie, Ignazio Cassis complimente l'entreprise controversée et crée la polémique / 19h30 / 2 min. / le 9 janvier 2019
Ignazio Cassis s'est rendu lundi en Zambie dans une mine de cuivre de Glencore, le géant minier zougois très controversé. La médiatisation de cette visite a suscité la polémique. Mais le ministre des Affaires étrangères assume pleinement.

Le chef de la diplomatie helvétique Ignazio Cassis est arrivé lundi en Afrique pour une tournée de cinq jours en Zambie, au Zimbabwe et en Afrique du Sud. Objectif: "le renforcement des relations économiques (...) et politiques avec ces trois pays". A ce titre, Ignazio Cassis a visité l'entreprise Mopani Copper Mines, majoritairement détenue par la multinationale zougoise Glencore. L'occasion pour lui de louer sur Twitter "les efforts en faveur de la modernisation des installations et de la formation des jeunes".

Tweet Glencore Cassis

La visite d'Ignazio Cassis a ravi Glencore qui en a profité pour faire sa promotion sur les réseaux sociaux, relayant le message du conseiller fédéral sous la forme d'un tweet sponsorisé (donc payant) ainsi que sur sa page Facebook. "Nous étions ravis d'accueillir Ignazio Cassis à l'occasion de son voyage en Zambie. Avec ce tweet, nous voulions montrer que l'équipe sur place fait un bon travail", a expliqué Glencore à la RTS.

"Je voulais voir de mes propres yeux"

Il n'en fallait pas davantage pour enflammer les défenseurs des droits de l'homme, qui fustigent régulièrement les pratiques fiscales de l'entreprise minière ainsi que les conséquences sociales et environnementales de ses activités dans les pays du Sud. Mis en cause, le chef du Département fédéral des affaires étrangères assume: "Beaucoup de choses ont été écrites sur les mines de Mopani ces dernières années, pas toujours positivement, et je voulais voir de mes propres yeux."

>> Ecouter l'analyse de Thibault Schaller dans La Matinale:
Ignazio Cassis assume sa visite dans une mine de Glencore en Zambie

Dans une interview accordée à SRF, Ignazio Cassis dit avoir été impressionné par les mesures de sécurité mises en place pour les employés, par la formation professionnelle proposée par l'entreprise ainsi que par le "sérieux" de la direction du site. Il ajoute ne pas avoir rencontré les voix critiques à l'encontre de Glencore car il a "déjà lu" les reproches faits à cette mine. "Et une grande partie de ces critiques ont à voir avec la situation antérieure", estime-t-il.

>> Ecouter le point de vue d'Ignazio Cassis:
Réaction d’Ignazio Cassis

"Ignazio Cassis se met hors jeu"

"Glencore est l'archétype de ces multinationales qui s'inscrivent à l'encontre du développement durable. Monsieur Cassis, comme ministre des Affaires étrangères, doit mettre en oeuvre les principes de politique étrangère qui sont inscrits dans la Constitution: promotion de la paix, promotion des droits de l'homme, promotion de la démocratie, lutte contre la pauvreté et défense des ressources naturelles. Par cette visite, il a fait valoir des valeurs qui ne sont pas celles-ci", rétorque le socialiste Carlo Sommaruga.

>> Ecouter la réaction de Bertil Munk, vice-président de la Jeunesse socialiste suisse:
Réaction de Bertil Munk

"Ignazio Cassis se met hors jeu" en rompant avec la tradition diplomatique et de politique étrangère de la Suisse en place "depuis la fin de Deuxième Guerre mondiale", affirme le conseiller national genevois. "La politique étrangère a été menée par des radicaux, des PDC et des PS avec des nuances, mais toujours dans le même sens", relève Carlo Sommaruga, pour qui il en va de la "continuité", de la "crédibilité" et de la "fiabilité" de la diplomatie helvétique.

>> Ecouter la réaction de Roland Rino Büchel, conseiller national UDC:
Réaction de Roland Rino Büchel

La défense de Glencore

Souvent accusée de pollution à grande échelle en Zambie, Glencore affirme avoir investi 4,4 milliards de dollars dans la mine de Mopani depuis l'acquisition de la société en l'an 2000, dont 500 millions dans la modernisation de la fonderie. Grâce à ces investissements, 95% des émissions de dioxyde de soufre sont capturées, affirme la multinationale, ce qui lui permet de respecter les normes édictées par l'Organisation mondiale de la santé.

Alors que l'organisation de défense des droits de l'homme Public Eye s'étonne de voir Glencore n'avoir payé aucun impôt sur les bénéfices en 2017, la multinationale précise ne pas avoir fait de bénéfices en 2017 sur le site de Mopani. Elle précise toutefois avoir versé plus de 54 millions de dollars à l'Etat zambien en royalties et autres taxes, comme les charges sociales et les droits de douane et d'importation.

Tweet Glencore impôts

Glencore, bête noire des ONG

En termes de pollution de l'air, "la situation s'est améliorée, mais beaucoup trop tard", relève pour sa part Andreas Missbrach, qui dirige la thématique Matières premières, commerce et finances de Public Eye. "Glencore a attendu 15 ans pour mettre en place des installations de traitement des gaz de combustion", note-t-il. Et le responsable de dénoncer les "astuces comptables" qui permettent selon lui à la multinationale de rapatrier ses bénéfices dans d'autres pays, dont la Suisse, pour ne pas payer d'impôt en Zambie.

Les activités de Glencore, comme celles d'autres entreprises de négoce de matières premières basées en Suisse, sont l'objet de vives controverses. La multinationale est notamment accusée par des ONG de trop polluer en République démocratique du Congo ou en Zambie. Son nom apparaît par ailleurs dans les "Paradise Papers", en lien avec une transaction en RDC. La firme basée à Zoug est également sous enquête au Brésil pour des soupçons de corruption et se trouve dans le collimateur de la justice américaine pour ses activités en Afrique et en Amérique du Sud.

>> Lire aussi: La Suisse au coeur du commerce des matières premières

Didier Kottelat

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Pression politique sur les multinationales

Cette polémique intervient alors que les Chambres fédérales vont prochainement devoir se pencher sur l'initiative "Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement", déposée le 10 octobre 2016. Le texte impose aux sociétés d'analyser les risques d'atteintes aux droits humains et à l'environnement liés à leurs activités en Suisse et à l'étranger, ainsi qu'à celles de leurs filiales et sous-traitants. Les multinationales doivent aussi prendre des mesures pour y remédier et en rendre compte publiquement.

Cette initiative, portée par une association de 80 organisations de la société civile dont Public Eye, Amnesty, Greenpeace et Terre des hommes, est basée sur les Principes directeurs de l'ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, soulignent les initiants. Elle est notamment soutenue par les anciennes conseillères fédérales socialistes Ruth Dreifuss et Micheline Calmy-Rey, l'ancien président du CICR Cornelio Sommaruga ou le prix Nobel de chimie Jacques Dubochet.