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Les Suisses doivent décider s'il faut geler la surface de zones à bâtir

Vue aérienne d'un quartier d'habitation d'Etoy (VD) situé près d'une zone agricole. [Keystone - Laurent Gillieron]
Vue aérienne d'un quartier d'habitation d'Etoy (VD) situé près d'une zone agricole. - [Keystone - Laurent Gillieron]
Faut-il limiter l'extension des zones à bâtir sur le territoire suisse? Telle est la question posée aux Suisses dans les urnes le 10 février via l'initiative des Jeunes Verts contre le mitage.

Concrètement, les citoyens doivent répondre à la question "Acceptez-vous l'initiative populaire 'Stopper le mitage - pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)".

Ce texte déposé en 2016 par les Jeunes Verts vise à geler pour une durée illimitée la surface totale des zones à bâtir, mais aussi à inscrire les exceptions dans la Constitution, et non plus seulement dans la loi. Il est aussi soutenu par une alliance pour l'environnement composée du WWF, Pro Natura, Greenpeace, BioSuisse, l'Association des petits paysans ou l'ATE.

Préserver le paysage

Chaque jour en Suisse, une surface équivalant à huit terrains de football est construite, a affirmé Luzian Franzini, coprésident des Jeunes Verts suisses, début janvier en lançant la campagne du comité d'initiative. Selon lui, des centaines de kilomètres carrés de terres agricoles et zones vertes ont disparu au profit de constructions. La loi actuelle ne suffit pas pour enrayer l'étalement urbain et préserver le paysage.

L'initiative prévoit que toute nouvelle parcelle à bâtir doit être compensée par le dézonage d'une parcelle de valeur équivalente ailleurs. En dehors de la zone à bâtir, seules les constructions destinées à l’agriculture dépendante du sol ou d’intérêt public et dont l’emplacement est imposé par leur destination pourraient être autorisées.

La conséquence du mitage en Suisse est une explosion du nombre des déplacements, estime Lisa Mazzone, vice-présidente de l'Association transport et environnement. A ses yeux, l'initiative permettra de limiter la motorisation massive de ces dernières années. Plus le milieu construit est compact, moins il faut développer de routes pour en assurer la desserte, assure la conseillère nationale écologiste.

L’initiative contre le mitage ne signifie pas un arrêt des constructions. Elle ne favorisera cependant les logements et les bâtiments commerciaux que là où la demande existe. Le développement économique et la croissance devraient être dirigés vers l’intérieur.

Contre les besoins de l'économie et la population

Les opposants estiment pour leur part que la révision de la loi sur l'aménagement du territoire de 2014 est suffisante. Réunis dans un comité économique mené par l'Union suisse des arts et métiers, des élus de l'UDC, du PLR et du PDC ont aussi mis en garde contre les conséquences négatives notamment d'un gel des zones à bâtir. Certaines régions de la Suisse pourraient voir leur développement économique ralentir si l'initiative était acceptée, selon eux.

Le mitage est un réel problème, a reconnu la conseillère nationale Christine Bulliard (PDC/FR), présidente du Groupement suisse pour les régions de montagne, en présentant les arguments des opposants. Mais un gel indifférencié des terrains à bâtir pénaliserait gravement les cantons périphériques et alpins. Une telle solution ne tient pas compte des besoins de la population et de l'économie, ni des différences cantonales et régionales.

L'initiative affecte les entreprises et la population dans toute la Suisse d’une manière extrêmement discriminatoire, a renchéri le conseiller national Fabio Regazzi. Dans de nombreuses régions, les effets de l’initiative sur les résidences secondaires, qui avait ignoré les particularités du territoire suisse, ne sont perçus que maintenant, a rappelé le PDC tessinois.

Pour leur part, le Parlement et le Conseil fédéral rejettent un texte jugé excessif, estimant que ce projet va à l'encontre des besoins de la population et de l'économie. Le Conseil national a rejeté l'initiative par 143 voix contre 37 et 18 abstentions et le Conseil des Etats par 34 voix contre 3 et 7 abstentions. Les Chambres ont également renoncé à élaborer un contre-projet.

Frédéric Boillat avec ats

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