Des milliers d'écoliers, apprentis et étudiants descendent vendredi dans la rue en Suisse pour une nouvelle "grève du climat". Ce n'est pourtant pas le programme scolaire qui incite les jeunes à la désobéissance civile en matière d'écologie, à en croire Daniel Curnier, docteur en sciences de l'environnement de l'Université de Lausanne, invité de La Matinale de la RTS vendredi.
"L'école a très peu changé depuis les années 1990, quand a eu lieu le sommet de Rio, mais même depuis le début du XIXe siècle quand l'école moderne s'est constituée", expose le chercheur, qui a approfondi ce sujet dans une thèse en 2017.
Des "sensibilisations" pour les plus petits
Des démarches de sensibilisation à l'écologie existent, certes, dans le plan d'étude romand, mais ces changements concernent principalement les enfants les plus jeunes, affirme Daniel Curnier. "On a intégré des thématiques comme le réchauffement climatique ou la baisse de la biodiversité dans le plan d'étude, mais de manière marginale, comme thématiques traitées principalement en géographie et en biologie." Ces grandes intentions, placées en début de cursus scolaire, n'ont que peu d'impact sur l'enseignement lui-même, note le chercheur.
Une manière plus effective serait de changer les finalités attribuées à l'institution scolaire, tel que le prône l'Unesco et comme intégré en partie au plan d'étude romand. C'est-à-dire "former de futurs citoyens, plutôt que de futurs travailleurs qui ont mémorisé un certains nombre de matières".
Les disciplines au service d'une thématique
Mais comment donner à l'écologie la place qu'elle mérite, dans un programme déjà surchargé et appelé à intégrer sans cesse de nouvelles thématiques sociales? Sans surprise, des choix s'imposent: "On ne peut pas tout faire: il faut fixer des priorités par un débat public", estime Daniel Curnier. Le découpage en disciplines, d'un autre côté, est lui aussi hérité d'une vision du monde où le savoir est morcelé.
On pourrait imaginer, au contraire, "des séquences interdisciplinaires autour des grands enjeux socio-écologiques du XXIe siècle et qui seraient traitées dans les différentes disciplines, en intégrant la lecture, le calcul, l'écriture, qui sont le fondement de l'école", avance le chercheur.
L'occasion de démonter un autre tabou, celui de la soi-disant "neutralité" de l'école. "Politiquement, l'école est tout sauf neutre. Elle est le résultat de décisions politiques passées et présentes qui s'intègrent dans un processus qui a une orientation", souligne le docteur en sciences de l'environnement. Favoriser le numérique à l'école, par exemple, s'inscrit dans une vision de la société qui est aussi une vision politique, illustre-t-il.
Créativité et passage à l'action
Le mouvement actuel des écoliers en faveur du climat est "très intéressant", conclut le chercheur: "en se mobilisant, ces jeunes développent des compétences telles que la pensée complexe, la pensée créatrice, le passage à l'action, pour prendre en charge un changement de la société."
Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Katharina Kubicek