C'est un geste banal, quotidien. Dans le train, le contrôleur scanne votre abonnement général – le Swisspass. Son appareil? Un Huawei mate 9. Depuis 2017, les CFF ont opté pour ce modèle afin de remplacer la flotte de Samsung, très décriés pour leur lenteur à vérifier l'abonnement des pendulaires. Quelque 2300 appareils Huawei contrôlent donc chaque jour, le nom, la date de naissance ou la photo enregistrée dans le Swisspass. Des données qui sont ensuite cryptées et transmises par le réseau Swisscom vers les serveurs CFF.
Un mécanisme déjà critiqué en 2016
Ce mécanisme de contrôle avait déjà subi les foudres du Préposé à la protection des données, en 2016. Car ces informations étaient potentiellement une mine d'or pour l'entreprise de transports, mais aussi pour ceux qui auraient pu avoir intérêt à tracer les déplacements de la population.
Aujourd'hui, les données sont enregistrées de façon temporaire. D'ailleurs, les téléphones des contrôleurs ne sont pas connectés à internet et ne permettent pas d’envoyer des SMS ou de téléphoner, assurent les CFF. Qui malgré la polémique actuelle autour de Huawei n'envisagent pas de changer de fournisseur.
Une relation amicale entre la Suisse et la Chine
La Chine et les USA sont en pleine guerre commerciale. Aux Etats-Unis, on accuse Huawei d'être une sorte de virus informatique à l'écoute des conversations des Américains. Pire: l'entreprise est accusée de vouloir provoquer des coupures d'électricité à l'aide des panneaux solaires de sa marque. Rien de tout cela en Suisse. Le contexte est différent, l'histoire d'amour est totale.
A cet égard, le nombre de visites de conseillers fédéraux en Chine est révélateur: en août dernier, la conseillère fédérale Doris Leuthard y était. Elle rencontre alors de grands patrons, dont celui de Huawei. Dans la délégation suisse, le patron des CFF Andreas Meyer.
Lors de cette rencontre, Huawei – qui emploie environ 300 personnes en Suisse, partenaire de Swisscom et Sunrise – annonce la création de deux centres de recherche, à l'EPFL et à l'EPFZ.
Doris Leuthard en profite alors pour faire la leçon aux Suisses, qu'elle juge "trop prudents": "Huawei est une entreprise privée qui travaille depuis longtemps avec des sociétés suisses. Nous n'avons rien à redire", déclare-t-elle alors. Il ne faut pas être "naïfs", "à l'ère digitale il n'y a pas de sécurité totale pour les données".
Une position un peu fataliste qui pourrait évoluer
Cette position suisse un peu fataliste pourrait être amenée à évoluer. En tout cas, le sujet Huawei risque bien d'être discuté. Pas forcément sur le contrôle des billets dans les trains, mais plutôt sur l'importantissime question de la 5G, le réseau ultrarapide monté par Huawei dans plusieurs pays et aussi en Suisse.
Le PDC Fabio Regazzi déclare à la RTS "en avoir des frissons dans le dos". Il entend interpeller le gouvernement. Pour lui, il vaut mieux développer la technologie en Suisse que de se mettre à la merci d'un pays étranger et de sa technologie.
Thibaut Schaller/ebz