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Droit de recours: "vision rétrograde du PRD"

Adèle Thorens Goumaz siège au National depuis octobre 2007.
Adèle Thorens Goumaz siège au National depuis octobre 2007.
La Lausannoise Adèle Thorens Goumaz, 36 ans, est conseillère nationale verte depuis 2007. Elle travaille en outre pour le WWF Suisse. Elle s'oppose fermement à l'initiative du PRD, qu'elle juge "rétrograde".

TSR.ch: les initiants accusent les
associations écologistes de freiner la croissance économique en
déposant systématiquement des recours qui découragent des
investisseurs. Votre avis ?

Adèle Thorens-Goumaz: les initiants ont une
vision complètement rétrograde qui consiste à croire que l'économie
est en opposition avec l'écologie. Une vision qui commence
heureusement à être remise en question, même du côté de la droite.
Il faut savoir que la construction se porte très bien en Suisse.
Près de 1m2 de territoire disparaît chaque seconde sous du béton ou
du ciment. S'il y a des obstacles à la croissance, ce sont des
événements majeurs qui en sont responsables, comme la crise
financière, non pas les recours des ONG environnementales.



Pourtant, il faut bien reconnaître que les
associations freinent certains gros projets ?




Ces projets sont surtout freinés par des privés puisque 99% des
recours sont déposés pour des raisons qui n'ont strictement rien à
voir avec l'intérêt public. Cela dit, il est vrai que les
oppositions et recours mettent du temps à être levés. Car les
tribunaux sont surchargés par manque de budget. Mais si on
abolissait le droit de recours des associations, il resterait
encore 99% des recours et on mettrait toujours autant de temps à
les lever. Si les radicaux veulent changer cette réalité, ils se
trompent de cible et feraient mieux de s'attaquer aux recours des
privés ou donner davantage de moyens aux tribunaux.



Pour les initiants, ces 99% que vous avancez ne
veulent rien dire puisque les querelles de voisinage entrent aussi
dans la statistique...




Ces chiffres sont légitimes car le frein à la croissance, auquel
les initiants prétendent s'attaquer, c'est l'ensemble des recours,
x compris ceux dus aux querelles de voisinage! Pas seulement ceux
des ONG environnementales! Selon moi, les radicaux savent très bien
qu'il est politiquement incorrect de s'attaquer à la protection de
la nature aujourd'hui. Alors, au lieu de s'y attaquer frontalement,
ils s'en prennent à l'application de la loi environnementale. Et le
droit de recours des associations en est un excellent outil
d'application. Mais le vrai problème qui ralentit la construction,
ce sont les recours privés. Ainsi, dans l'affaire du Hardturm,
souvent cité par les initiants, l'ATE a retiré son recours en 2004.
Mais le stade n'est toujours pas réalisé en raison de recours
privés.



Autre chiffre contesté: votre taux de réussite de 61%.
Selon les initiants, cela ne correspond qu'aux recours qui
aboutissent au TF. On passe sous silence les recours qui s'arrêtent
au niveau cantonal, ou encore les menaces de recours qui
découragent les promoteurs...




Les associations ne peuvent faire stopper que des projets
illégaux. Et leur taux de succès montre bien que lorsqu'elles le
font, elles ont souvent raison. Si elles ne le faisaient pas, il y
aurait des projets hors la loi. Quant aux menaces de recours qui
découragent des investisseurs, elles montrent justement que le
droit de recours est un instrument efficace. Les projets retirés
sont en général des projets qui étaient mal ficelés et qui
risquaient donc d'être effectivement bloqués par les tribunaux.
Mais beaucoup d'autres sont améliorés suite à des discussions avec
les ONG et les services de l'Etat et passent la rampe en toute
légalité.



Selon les initiants, le droit de recours est un
privilège unique dans le droit suisse qui n'est plus une nécessité.
Avec 5 milliards par an dévolus à l'environnement, l'Etat n'a-t-il
pas les moyens aujourd'hui d'assumer ce travail
?




C'est vrai que le droit de recours est un cas particulier. Mais la
Suisse n'est pas une exception puisque ce droit existe sous une
forme ou une autre dans les autres pays européens. Quant à laisser
l'Etat appliquer le droit environnemental, la question n'est pas
absurde. Les associations ont bien assez de travail pour s'en
passer. Mais si on veut que l'Etat assume cette tâche, il faut lui
en donner les moyens. Car ces 5 milliards sont utilisés pour toute
une série d'autres domaines, protection des eaux, des forêts, etc.
Si les radicaux veulent donner un nouveau mandat à l'Etat, il faut
qu'ils présentent un projet avec un budget sur lequel le Parlement
pourrait se prononcer. Car dire qu'avec ces 5 milliards, l'Etat
doit s'occuper en plus d'appliquer ce droit environnemental est
totalement malhonnête.



Du côté des opposants, on prétend que l'initiative
viole l'Etat de droit puisque peuple et parlement ne peuvent être
au-dessus de la loi. Mais chaque projet, avant d'être soumis au
peuple, voit sa légalité dûment vérifiée par toute une série de
services compétents...




Certes, de nombreux services administratifs vérifient les projets
de construction. Mais chacun travaille à son niveau et le système
ne fonctionne pas toujours très bien. La preuve: quand les
associations déposent des recours, elles gagnent dans 2/3 des cas.
Mais au-delà du droit de recours, il faut savoir qu'une
construction sur 3 se fait hors zone à bâtir. La Suisse a de gros
problèmes d'aménagement du territoire et de construction et Berne
le reconnaît. Ce n'est donc pas le moment d'affaiblir le droit de
recours qui permet d'appliquer tant bien que mal les lois sur la
protection de la nature.



Cela dit, les associations ne feraient-elles pas mieux
de s'impliquer davantage dans les projets avant leur votation
plutôt que de faire recours après?




C'est ce qui se fait déjà actuellement et de plus en plus. Au
début, les ONG passaient pour les grandes méchantes car il n'y
avait pas encore de conscience écologique. Mais cette conscience
est de plus en plus présente chez les promoteurs et les
entrepreneurs qui viennent aujourd'hui trouver les associations
pour réaliser des projets ensemble, novateurs et respectueux de
l'environnement. Les ONG n'ont alors plus aucune raison de
s'opposer. C'est cela le futur. Car je suis convaincue qu'il n'y a
pas de développement économique sans gestion durable des ressources
naturelles. Même des stations de ski se mettent à développer un
marketing vert.



Propos recueillis par Christine Talos

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Droit de recours: droite contre écolos

Les organisations écologistes tremblent une nouvelle fois pour leur droit de recours. Une initiative radicale, soumise au peuple le 30 novembre, veut dur cir encore ce droit déjà sérieusement restreint par le Parlement en 2007.

Partie du Valais en 03, l'initiative a été reprise par le PRD zurichois suite à l'affaire du Hardturm. Le projet du nouveau stade en vue de l'Euro 2008, contré par un recours (retiré ensuite) de l'ATE zurichoise,avait été abandonné.

Le texte "Droit de recours des organisations: assez d'obstructionnisme" veut donc interdire aux associations de recourir contre des projets approuvés en votation ou par un législatif aux niveaux communal, cantonal et fédéral.

Les initiants affirment vouloir supprimer un privilège accordé à quelque 30 organisations et dont elles abuseraient pour des motifs idéologiques. Selon eux, celles-ci peuvent exposer leurs griefs lors des campagnes de votations. Mais pas question qu'elles agissent ensuite dans le huis clos des tribunaux si elles n'ont pas obtenu gain de cause devant le peuple.

PRD et UDC n'hésitent pas à brandir le spectre de dégâts économiques liés à cette "recourite". Des milliards de francs seraient bloqués, menaçant des milliers d'emplois.

La droite affirme que la protection de la nature ne serait pas prétéritée car l'Office fédéral de l'environnement pourrait toujours faire recours.

Mais pour le Conseil fédéral, qui a fait volte-face 2 fois avant de se placer du côté des opposants au texte, l'OFEV n'a pas les moyens de supporter cette tâche et s'il fallait mettre des moyens en place, cela coûterait plus cher aux contribuables.

Du côté des associations, soutenues par la gauche, le PDC mais aussi par des radicaux et des UDC dissidents, le texte viole l'Etat de droit, les décisions populaires ne primant pas les lois. Elles estiment que la révision complète du droit de recours, en 2006, suffit à limiter les abus.

Elles rappellent aussi qu'elles ont gagné au Tribunal fédéral dans 61% des cas entre 1996 et 2007.

Selon un sondage SSR paru jeudi, le non à la limitation du droit de recours a pris de l'ampleur: 49% avouent vouloir rejeter l'initiative contre 40% fin octobre. Les citoyens favorables à cette proposition ont reculé de 42% à 33%.