Modifié

«Le droit de recours est un privilège dépassé»

Philippe Nantermod.
Ph.Nantermod est le fils du directeur des remontées mécaniques de Morgins.
Le Valaisan Philippe Nantermod, 24 ans et vice-président des jeunes libéraux-radicaux suisses, est à l'origine de l'initiative radicale contre le droit de recours des associations soumise au peuple le 30 novembre.

tsr.ch: avec votre texte, vous voulez durcir le
droit de recours qui a pourtant été fortement depuis l'été 2007.
Votre initiative n'est-elle pas dépassée?

Philippe Nantermod: le durcissement a résolu
d'autres problèmes et répondu à des cas d'abus très concrets que
l'on a pu vivre. Mais il y a encore bien des exemples d'abus
aujourd'hui. Ainsi Franz Weber a déjà annoncé qu'il ferait recours
contre le Musée des Beaux-arts de Lausanne si celui-ci est accepté
par le peuple! Cela montre bien que notre texte est d'actualité et
que la réforme sur le droit de recours n'a rien arrangé.



Néanmoins, le droit de recours a été sérieusement
corrigé. Les associations doivent payer les frais de justice si
elles ont tort par exemple...




Un recours perdu au TF coûte jusqu'à 20'000 francs. Quand on
connaît le budget du WWF par exemple (50 millions), ce n'est pas
une telle somme qui va les empêcher d'utiliser ce moyen. Le vrai
problème, c'est qu'une trentaine d'associations possèdent un
privilège unique en Suisse. En effet, dans le droit public,
l'intérêt public est défendu par l'Etat via des autorités de
surveillance publiques. C'est valable partout, sauf dans le domaine
de l'environnement ou cette tâche est confiée à des associations
privées. Or la nature est un intérêt public et tous les intérêts
publics sont défendus par l'Etat, non pas par des privés. Il n'y a
plus aucune raison de faire exception en matière d'environnement
!



Mais si les associations jouent les avocats de la
nature, c'est que cette mission leur a été confiée par l'Etat
justement.




«Avocat de la nature» : quel argument populiste! Si on a donné le
droit de recours aux associations en 1966, c'est qu'à cette époque,
l'Etat n'avait pas les moyens d'effectuer en matière de protection
de la nature - qui en était à ses débuts - le même travail que dans
les autres domaines du droit. C'est pourquoi il a confié sa tâche
de surveillance aux ONG environnementales. Mais aujourd'hui, les
lois dans ce domaine sont claires et on dépense au total, 5
milliards de fr. par année - c'est plus que le budget de l'armée -
pour la protection de l'environnement. L'Etat a donc de nouveau le
pouvoir de remplir son rôle.



Pourtant le Conseil fédéral le souligne: l'Office
fédéral de l'environnement n'a pas les capacités de surveiller tous
les projets et de faire recours si besoin. Et s'il devait mettre en
place des moyens, cela coûterait cher au contribuable alors que les
associations travaillent gratuitement?




Il faut comparer aussi avec ce que les recours coûtent à la
collectivité... Cela dit, les associations pourront continuer de
faire leur travail de surveillance grâce à un mécanisme qui
s'appelle la dénonciation administrative. Celle-ci permet de
dénoncer auprès de l'OFEV des projets dont l'étude d'impact n'est
pas conforme et qui mériterait donc un recours. Il existe le même
outil au niveau cantonal auprès du Service de l'aménagement du
territoire. Avantage : si l'Etat accomplit ce travail, il
l'effectue avec une transparence que l'on ne trouve pas dans les
associations privées. Savez vous par exemple, que l'OFEV ne dispose
même pas des statuts du WWF? Ce n'est pas normal!



Autre point contesté par les opposants, dont 45
professeurs de droit public suisse: votre texte viole l'Etat de
droit...




Sachez que de nombreux profs ont refusé de signer ce manifeste car
ils ne voient pas en quoi l'Etat de droit serait violé. En matière
d'environnement, il existe des autorités de surveillance qui
veillent à tous les échelons à ce que la loi soit appliquée et qui
peuvent donc faire recours. Les autres personnes qui ont le droit
de faire recours sont celles qui sont directement touchées, comme
les voisins d'une construction par exemple. Le droit s'arrête là et
c'est pareil dans tous les domaines d'intérêt public, que soit la
santé, la sécurité, la moralité, etc. Seul l'environnement fait
exception. Cela ne peut plus continuer.



Pourtant, les associations ne représentent que 1% des
recours, alors que 99% émanent des privés. En outre, elles gagnent
dans 2/3 des cas les procédures devant le TF. Cela démontre
qu'elles n'abusent pas du droit de recours et qu'elles l'utilisent
à bon escient?




Cette statistique est faussée par le fait que les privés ont la
possibilité de recourir dans les petites affaires contrairement aux
associations, et il y a énormément plus de petites affaires que de
grandes. Quant au taux succès des associations, il ne s'agit que
des cas qui aboutissent au TF. On ne tient pas compte des recours
retirés suite à des négociations, ceux qui sont arrêtés au niveau
cantonal, sans parler des menaces fréquentes de recours qui
découragent les promoteurs, comme dans le cas de l'implantation
d'Amgen à Galmiz.



Vous critiquez aussi ce «droit de veto» des
associations qui freine la croissance économique. Pourtant au bout
du compte, c'est la justice qui tranche, pas les
associations?




C'est la théorie juridique. Mais dans les faits, les associations
disposent d'une arme redoutable: l'effet suspensif. Celui-ci permet
de faire traîner des projets durant des années. Dans les faits,
cela s'appelle un droit de veto. Car un investisseur qui est prêt à
mettre de l'argent aujourd'hui, ne le sera peut-être plus dans 5
ans. Le temps joue en faveur des associations qui ont tout à gagner
lorsqu'un projet est retardé. Et si elles ont tort au final, ce qui
arrive dans 1/3 des cas, ce sont des millions d'investissements de
perdus et des emplois qui ne seront pas créés.



Mais le tir a été corrigé avec la révision de la loi,
puisque les parties d'un projet non remises en cause pourront
démarrer...




C'est de l'illusion. Car souvent un projet forme un tout. Ainsi un
promoteur ne va pas se lancer dans la construction d'un centre
commercial s'il n'est pas assuré de pouvoir construire le parking
qui va avec.



Malgré tout, de grandes figures radicales et
libérales, comme Gilles Petitpierre, Thierry Béguin ou Yves
Christen ainsi que des dissidents UDC et PRD, s'opposent à votre
texte...




Certes, mais ils forment la vieille garde du parti, des gens que
l'on ne voit plus depuis 10 ans ou des juristes qui ne comprennent
pas les problèmes du terrain. L'initiative a été largement
acceptée, de façon démocratique, lors d'une assemblée de délégués.
Si ces dissidents n'étaient pas d'accord, ils auraient pu prendre
alors position à ce moment-là. Ils ne l'ont pas fait. Tant pis pour
eux.



En conclusion, c'est quand même étonnant que votre
parti, aux idées si libérales, cherche pour une fois à impliquer
davantage l'Etat dans l'économie...




On ne cherche pas à impliquer plus l'Etat. Mais mieux l'Etat,
surtout quand c'est son rôle. Et cela va tout à fait dans la ligne
du parti !



Propos recueillis par Christine Talos

Publié Modifié

Droit de recours: droite contre écolos

Les organisations écologistes tremblent une nouvelle fois pour leur droit de recours. Une initiative radicale,soumise au peuple le 30 novembre, veut dur cir encore ce droit déjà sérieusement restreint par le Parlement en 2007.

Partie du Valais en 03, l'initiative a été reprise par le PRD zurichois suite à l'affaire du Hardturm. Le projet du nouveau stade en vue de l'Euro 2008, contré par un recours (retiré ensuite) de l'ATE zurichoise,avait été abandonné.

Le texte "Droit de recours des organisations: assez d'obstructionnisme" veut donc interdire aux associations de recourir contre des projets approuvés en votation ou par un législatif aux niveaux communal, cantonal et fédéral.

Les initiants affirment vouloir supprimer un privilège accordé à quelque 30 organisations et dont elles abuseraient pour des motifs idéologiques.Selon eux, celles-ci peuvent exposer leurs griefs lors des campagnes de votations. Mais pas question qu'elles agissent ensuite dans le huis-clos des tribunaux si elles n'ont pas obtenu gain de cause devant le peuple.

PRD et UDC n'hésitent pas à brandir le spectre de dégâts économiques liés à cette "recourite". Des milliards de francs seraient bloqués, menaçant des milliers d'emplois.

La droite affirme que la protection de la nature ne serait pas prétéritée car l'Office fédéral de l'environnement pourrait toujours faire recours.

Mais pour le Conseil fédéral,qui a fait volte-face 2 fois avant de se placer du côté des opposants au texte, l'OFEV n'a pas les moyens de supporter cette tâche et s'il fallait mettre des moyens en place, cela coûterait plus cher aux contribuables.

Du côté des associations, soutenues par la gauche, le PDC mais aussi par des radicaux et des UDC dissidents, le texte viole l'Etat de droit, les décisions populaires ne primant pas les lois. Elles estiment que la révision complète du droit de recours, en 2006, suffit à limiter les abus.

Elles rappellent aussi qu'elles ont gagné au Tribunal fédéral dans 61% des cas entre 1996 et 2007.

Selon un sondage SSR paru jeudi, le non à la limitation du droit de recours a pris de l'ampleur: 49% avouent vouloir rejeter l'initiative contre 40% fin octobre. Les citoyens favorables à cette proposition ont reculé de 42% à 33%.