Si la notion de "puberté" dans l'initiative pour
l'imprescriptibilité des actes pédophiles n'est pas clairement
définie, on s'achemine vers des acquittements lors des procès, a
mis en garde lundi le professeur de droit public fribourgeois Franz
Ricklin.
Quarante ans après des faits, un juge aura beaucoup de mal à
déterminer si la victime était pubère ou non au moment du délit. Le
risque d'un verdict de non-culpabilité est élevé, a commenté le
professeur sur les ondes de la DRS.
Modifier le texte?
Le fait que l'initiative acceptée dimanche ne fixe pas d'âge
pour la puberté est dommageable et une erreur des initiants, selon
lui. Franz Ricklin estime qu'il faut reprendre le texte et le
modifier.
Certaines parties du contre-projet pourraient être reprises, comme
la limite d'âge fixée à 16 ans, cite-t-il. Il en va de même de
l'énumération des délits en cause, plus complète que le terme
controversé "d'actes d'ordre sexuel ou pornographique" de
l'initiative.
Négocier
Le but n'est toutefois pas de restreindre le texte de
l'initiative, note Franz Ricklin. Le professeur conseille de
négocier avec les initiants.
Eveline Widmer-Schlumpf, la conseillère fédérale en charge du
dossier, a déjà annoncé dimanche qu'un représentant de Marche
Blanche sera invité à participer aux travaux de mise en oeuvre de
l'initiative. Elle va donner mandat à son département de préparer
un projet.
Interrogé lundi par l'ATS, le chef de l'information de l'Office
fédéral de justice (OFJ), Folco Galli, n'a encore rien pu dire sur
la suite de la procédure. "Pour la simple raison que nous n'avons
pas encore reçu formellement de mandat de notre cheffe", a-t-il
expliqué. "Il est probable qu'un groupe de travail sera créé".
Pas de modèle existant
La difficulté de la tâche s'accroît encore du fait que la Suisse
ne pourra s'inspirer d'aucun modèle. Les autres pays européens ne
connaissent en effet pas ou seulement de manière indirecte le
principe de l'imprescriptibilité pour les actes pédophiles.
ats/cab/mej
"L'émotion a parlé"
Tel est le commentaire de très nombreux journaux au lendemain de l'acceptation par le peuple de l'initiative pour l'imprescriptibilité des actes pédophiles.
La presse s'interroge sur l'adaptation dans la loi d'un texte "imprécis". "Il est évident que les affaires de prêtres pédophiles de ces derniers mois ont joué un rôle dans la votation", écrit lundi L'Express.
"Entre la raison et le coeur, les électeurs ont écouté la raison du coeur", relève l'éditorialiste du Quotidien Jurassien.
Plusieurs quotidiens rappellent l'acceptation en 2004 de l'internement à vie des délinquants sexuels et très dangereux.
Une nouvelle fois, le peuple privilégie une plus grande protection des victimes en dépit des réserves juridiques, estime la Neue Zürcher Zeitung.
Pour la population, "la protection des enfants prévaut sur tout", renchérit le Tages-Anzeiger.
Les journaux s'interrogent sur l'adaptation dans la loi de l'initiative. Les initiants "ne se sont sans doute pas vraiment rendu compte de la complexité que leur texte allait poser aux juristes", note L'Express.
Selon Le Quotidien Jurassien, le texte est si imprécis et d'une application douteuse qu'il risque d'ajouter des problèmes à ceux qui ont charge de tels dossiers.
Le texte prévu par la Marche Blanche ne pose pas de problèmes par rapport au droit international, estime Le Matin.
"Mais au niveau national, il nécessitera un gros travail d'adaptation pour être applicable. L'imprescriptibilité devra être inscrite dans le Code pénal qui prévoit actuellement que seuls les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l'humanité et les actes de terrorisme ne se prescrivent pas".