La grève des femmes du 14 juin peut-elle mobiliser au-delà de la gauche? Le cahier de revendications est clairement orienté politiquement, même s'il touche à des questions de société larges, comme l'égalité salariale, le harcèlement ou le partage des tâches.
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Les féministes du camp bourgeois, elles, sont partagées. Certaines ont déjà décidé qu'elles n'y participeraient pas, ne se reconnaissant pas dans le mouvement, trop marqué à gauche pour elles. Elles ne se sentent même pas conviées ou concernées, à l'image de la jeune PLR genevoise Louise Morand (voir débat ci-après).
"Moment essentiel"
Celles qui malgré tout s'associeront à la grève du 14 juin le feront "parce qu'il le faut", à l'instar de la PLR bernoise Claudine Esseiva, qui affirme, elle aussi, se sentir "exclue de la manifestation, monopolisée par la gauche". Elle le regrette: il s'agit de mener un débat de société, et non pas trancher sur qui est la bonne ou la mauvaise féministe, estime-t-elle.
Il s'agit d'un "moment essentiel", abonde sa collègue libérale-radicale Françoise Piron, ingénieure et directrice de Pacte, une association pour promouvoir les femmes en économie. Elle est active depuis 20 ans dans la promotion de l'égalité des chances et des droits.
Aujourd'hui, l'heure est au rassemblement, selon elle. Le 14 juin devrait être une journée pour tous, où des pistes sont recherchées ensemble. Parce que, dit-elle, "l'égalité appartient à toutes et à tous, et pas seulement à un syndicat ou un groupe politique".
Grève et manifeste
Mais qu'y a-t-il donc de "trop à gauche" dans ces revendications, propres à "bloquer" les femmes de droite partisanes de l'égalité?
Le choix des mots pour commencer. Faire grève est un acte connoté très fortement à gauche, même si, en l'occurrence, la référence est d'abord historique, renvoyant à une grève des femmes qui s'est déroulée le 14 juin 1991 en Suisse et ayant impliqué plus de 500'000 femmes à travers tout le pays.
Autre grief de la droite, les collectifs de la grève des femmes ont réuni leurs revendications dans un manifeste, qui dénonce "l'économie capitaliste" et "la logique marchande". Soit un champ lexical dans lequel le camp bourgeois peine à se reconnaître.
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Thèmes fédérateurs, vocabulaire clivant
"Je, ainsi que de nombreuses femmes pourtant intéressées, n'avons pas été invitées à la rédaction de ce manifeste. Cela donne l'image de groupuscules qui, sous couvert de parler au nom des femmes, parlent au nom de la gauche", dénonce Louise Morand. La jeune PLR genevoise estime en outre qu'il faut "faire attention aux termes utilisés, pour ne pas exclure."
Du côté des auteures de ce manifeste, on se défend d'une démarche "entre soi". "Nous n'avons certes pas demandé les cartes politiques des femmes venues aux assemblées qui se sont tenues après l'appel du 2 juin dernier, tout le monde était le bienvenu", affirme Michela Bovolenta, secrétaire centrale du syndicat SSP. Selon elle, le manifeste de 20'000 signes, au-delà de quelques mots problématiques pour le camp bourgeois, rend compte avec justesse des problématiques qui touchent la majorité des femmes en Suisse.
Harcèlement, égalité salariale, lutte contre les stéréotypes ont en effet le potentiel pour fédérer les deux camps, au-delà d'une approche et de solutions différentes.
Alexandra Richard/Thibaut Schaller/kkub