"Mais combien de temps pourra-t-on encore tenir?": Solange Peters, cheffe du service d’oncologie médicale au CHUV, estime qu'en Suisse, "on a de la chance", car 95 à 99% des patients ont accès à tous les médicaments oncologiques, nettement plus qu'en Italie ou en France par exemple.
A ses yeux, on pourra encore rembourser les médicaments dans les cinq à dix prochaines années sans trop de problème, mais dans les pays voisins, cela fait longtemps que les médicaments les plus récents arrivent plus tard ou ne sont pas accessibles. Changer de système permettra donc d'éviter de la souffrance dans un futur proche.
"C'est tout d'abord aux médecins d'agir"
Au micro de la RTS, Solange Peters cite l'exemple des médicaments pas encore enregistrés: il y a une période de flou qui peut durer quelques mois avec des différences de remboursement entre les caisses, certaines les remboursant et d'autres non. Et avec les médicaments oncologiques, on parle de traitements qui peuvent sauver la vie.
C'est contre ce type d'iniquités qu'il faut se battre, juge l'oncologue. Sans rejeter des démarches comme le financement participatif ou les actions en justice, elle estime que c'est tout d'abord aux médecins eux-mêmes d'agir pour défendre un système de soins durable et qui puisse soutenir le remboursement des traitements au long cours.
L'oncologue considère qu'il faut aussi changer les choses au niveau politique: "En Suisse, on a un problème avec la transparence et l'indépendance de nos parlementaires et des personnes qui font les lois. La santé et les soignants devraient être mieux représentés à Berne et ils devraient être parfaitement indépendants."
Sortir de la gouvernance économique
A un niveau plus global, l'Organisation mondiale de la santé est actuellement en train d'élaborer de nouveaux systèmes de remboursement des médicaments. Et il faut tout d'abord définir ce qu'est le juste prix d'un médicament: les pharmas ne doivent pas perdre de l'argent et doivent pouvoir continuer à soutenir la recherche, tout en dégageant un certain profit.
Mais ces profits doivent être mieux régulés, dit en substance Solange Peters: "On ne peut pas imaginer faire des progrès sans les pharmas et elles n'ont jamais prétendu avoir un but non lucratif". Mais les pharmas font actuellement des profits importants, 20% de leur activité, contre 10% dans d'autres secteurs, comme les banques.
Le système doit donc changer et il faut passer d'une gouvernance de l'économie pure à une gouvernance avec un certain contrôle des autorités régulatoires. "Ce sera une révolution politique, une tempête politique", prévient Solange Peters, qui ne peut toutefois prédire quand cela pourra entrer en vigueur. Mais pour elle, c'est avec ce changement de paradigme qu'on pourra faire baisser le prix des médicaments et donc le prix des primes maladie.
Propos recueillis par Chrystel Domenjoz/boi