Le premier prévenu, Johan Cosar, n'a jamais fait de grand secret autour de ses activités en Syrie. Plusieurs fois dans les médias, ce Tessinois originaire de Saint Gall a expliqué avoir co-fondé et participé aux activités d'une milice, le Syriac Military Council. Sa mission: défendre les populations chrétiennes de Syrie, populations persécutées par le groupe terroriste Etat islamique.
Le procureur militaire accuse aujourd'hui Johan Cosar d'avoir porté atteinte à la puissance défensive du pays, en s'engageant dans une armée étrangère, un engagement volontaire interdit par l'article 94 du code pénal militaire suisse.
Interrogé mardi par SRF, Johan Cosar rejette ces accusations: "Non, je ne me considère pas coupable, absolument pas", se défend-il, ajoutant avoir combattu "pour la dignité, la démocratie et l'humanité". Il souligne avoir "défendu des innocents". "Je ne regrette pas ce que j'ai fait - combattre une organisation terroriste - et si elle devait arriver en Suisse, je serais le premier à m'engager pour la combattre."
Un autre Suisse jugé
Un proche de Johan Cosar comparaît également devant le Tribunal militaire. Dispensé du service militaire après un accident de football, il a prêté main-forte au premier accusé en l'aidant à recruter des soldats suisses disposés à entrer dans la milice syrienne, ceci par l'entremise d'appels postés sur différents réseaux sociaux comme Facebook et Youtube.
Ces hommes risquent jusqu'à trois ans de prison. Mais jusqu'ici, dans des cas plus ou moins similaires, le tribunal militaire a souvent prononcé des peines pécuniaires.
La dernière condamnation de ce genre date d'août 2018: un Genevois a été sanctionné pour avoir effectué des traductions pour les forces armées kurdes, les YPG. Sa peine était de 120 jours amende.
Mais qui sont ces combattants anti-groupe Etat islamique?
Des Américains, des Britanniques, des Canadiens, des Français, des Italiens et quelques Suisses aussi sont partis combattre contre le groupe Etat islamique. Principalement des hommes et quelques femmes, partis rejoindre les forces kurdes armées ou des milices chrétiennes en Syrie. Leur seul et unique objectif: combattre le groupe terroriste afin, disent-ils, de protéger certaines populations locales.
Dans La Matinale de la RTS, Matteo Pugliese, chercheur associé à l’ISPI, l'Institut d'étude de politique internationale à Milan, explique que trois types de motivation peuvent pousser des combattants à s'engager en Syrie ou en Irak: "Il y a tout d'abord des militants gauchistes et anarchistes, qui ont rejoint la lutte au nom de la solidarité internationale. Le deuxième groupe est constitué de militants indépendantistes des pays européens. Le troisième groupe est lui rassemblé pour la défense de l'Occident et du christianisme contre le califat, ce qui fédère les engagements des militants identitaires ou d'extrême-droite qui se joignent à la lutte contre les djihadistes."
Marc Menichini/ebz
Pas de statistiques
Contrairement au nombre de voyageurs du djihad, les autorités, suisses ou européennes, ne tiennent pas de statistiques officielles sur ces combattants étrangers anti Daech. Même si, selon toute vraisemblance, les services de renseignement connaissent et suivent ces cas.
Leur suivi est bien différent de celui des djihadistes qui ont rejoint l'Etat islamique: la communauté internationale, la Suisse aussi, ne considèrent pas les YPG, ces forces armées kurdes, ou le Syriac Military Council, cette milice chrétienne, comme des organisations terroristes.
Du coup, la plupart de ces combattants internationaux, une fois de retour en Occident, ne sont pas poursuivis. En Suisse, ces combattants ne risquent pas de poursuite au niveau pénal civil, mais ils sont susceptibles d'être poursuivis par la justice pénale militaire.