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Renvoi des criminels étrangers: contre-projet

Le Conseil fédéral veut serrer la vis en matière d'asile.
Le texte n'entre pas en contradiction avec le droit, selon Berne.
Le Conseil fédéral est prêt à sévir contre les criminels étrangers. Dans son contre-projet à l'initiative de l'UDC, il propose de révoquer systématiquement les autorisations de séjour des personnes qui écopent d'au moins deux ans de prison. Dans la foulée, il veut durcir la loi sur l'asile.

Ce nouveau tour de vis dans la loi sur les étrangers, mis
mercredi en consultation jusqu'au 15 avril, pourrait concerner
quelques centaines de condamnés sans passeport suisse. En 2007, un
peu plus de 5100 peines privatives de liberté inconditionnelles ou
avec sursis partiel ont été prononcées, dont 1003 pour une durée
d'au moins deux ans.

Selon les estimations, 200 étrangers titulaires d'une
autorisation de séjour auraient été touchés cette année-là par la
nouvelle disposition. Ils avaient notamment commis des délits en
matière de drogue, des actes de violence et des délits contre le
patrimoine (brigandage compris).

Unifier la pratique des cantons

Le contre-projet indirect doit permettre de préciser les motifs
de révocation et de mieux tenir compte du degré d'intégration, fait
valoir le gouvernement. Il convient également d'unifier la pratique
des cantons. Emboîtant le pas à une bonne partie de la droite,
Eveline Widmer-Schlumpf a convaincu l'exécutif de restreindre la
marge d'appréciation des autorités sur l'opportunité de retirer les
permis de séjour quand des infractions pénales graves sont en
jeu.



Le Conseil fédéral veut poser la limite à deux ans
d'emprisonnement (ou plusieurs peines de prison ou pécuniaires
s'élevant au total à 720 jours ou 720 jours-amendes en l'espace de
dix ans). Dans un projet allant dans le même sens, le PRD a suggéré
de fixer la barre à 18 mois. Mais le parti a fait chou blanc en
commission, la gauche jugeant son dispositif trop sévère et l'UDC
trop timide.



Dans le cas d'une condamnation d'au moins deux ans, on peut partir
de l'idée que l'intérêt collectif prime l'intérêt du criminel à
séjourner en Suisse, a relevé la ministre de la justice devant les
médias. Mais le principe de proportionnalité et le droit
international devront aussi être respectés. La situation
personnelle du délinquant menacé d'expulsion continuera donc d'être
pris en compte, a précisé l'ancienne membre de l'UDC.

Permis C

Dans la foulée, le
gouvernement demande qu'une autorisation d'établissement (permis C)
ne soit à l'avenir octroyée à un étranger qu'en cas d'intégration
«réussie». Cela vaudrait également pour les conjoints admis au
titre du regroupement familial.



Et d'invoquer qu'une intégration réussie présuppose le respect de
l'ordre juridique, l'adhésion aux valeurs fondamentales de la
constitution et la volonté de participer à la vie économique ainsi
que d'avoir une formation et de parler la langue. En outre, un
examen approprié avant l'octroi de l'autorisation d'établissement
évitera de longues procédures de révocation si on voit que
l'étranger a échoué à s'intégrer, selon Eveline
Widmer-Schlumpf.

Catalogue de délits

Dans son initiative populaire, l'UDC ne pose pas de limite quant
à la durée de la condamnation mais établit le catalogue des délits
devant aboutir automatiquement au renvoi du criminel étranger. Sa
liste va de l'effraction au meurtre en passant par le viol, le
brigandage, le trafic de drogue, la traite d'êtres humains et
l'abus des prestations sociales. Dans ces cas, le parti réclame le
retrait d'office du titre de séjour.



Le Conseil fédéral est d'avis que son contre-projet reprend le
souhait des démocrates du centre, mais sans entrer en contradiction
avec le droit international ni avec les droits fondamentaux
garantis par la constitution. Le texte de l'UDC poserait de gros
problèmes d'application, notamment au regard de la convention
européenne des droits de l'homme et de l'accord sur la libre
circulation des personnes, a averti la ministre.



Le contenu de l'initiative ne viole cependant pas le droit
international impératif, y compris en ce qui concerne le principe
de non-refoulement. Il n'y a donc pas de raison de la déclarer non
valable, a souligné Eveline Widmer-Schlumpf.



ats/cht/ant

Réactions: l'UDC ne compte pas retirer son texte

L'UDC n'entend pas retirer son initiative «pour le renvoi des
étrangers criminels». Le parti est loin d'être convaincu par le
contre-projet du Conseil fédéral.



Avec ce denier, les criminels seraient toujours «chouchoutés». Le
contre-projet du Conseil fédéral enlève son efficacité à la
l'initiative, a indiqué l'UDC mercredi.



«Les moutons noirs ou brebis galeuses - donc les étrangers
criminels - doivent être identifiés et expulsés», souligne le parti
dans un communiqué.



Les révisions annoncées dans les lois sur l'asile et les étrangers
arrivent trop tard pour l'UDC. Les augmentations massives de
demandes d'asile en sont la preuve, a déclaré le porte parole du
parti Alain Hauert.



La conseillère fédérale Evelyne Widmer-Schlumpf n'a fait que
repousser le problème des déserteurs érythréens. Les propositions
qu'elle avance maintenant, avaient déjà été élaborées par son
prédécesseur Christoph Blocher, note l'UDC.



L'UDC critique par ailleurs la proposition de supprimer la
possibilité de déposer une demande d'asile depuis l'étranger. «Il
n'est pas nécessaire que tous les candidats à l'asile viennent en
Suisse pour déposer leur demande.»

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Tour de vis aussi pour l'asile

La Suisse pourrait procéder à nouveau tour de vis dans les lois sur l'asile et les étrangers. Une année après l'entrée en vigueur de la dernière révision, le Conseil fédéral a mis mercredi en consultation jusqu'à mi-avril une série de durcissements.

Eveline Widmer-Schlumpf, qui avait déjà dévoilé plusieurs des mesures en question, a fait valoir la nécessité d'accélérer les procédures et de renforcer la lutte contre les abus. En 2008, 16'606 demandes d'asile ont été déposées en Suisse, soit une progression de 53,1%.

En une année, les mesures préconisées par Christoph Blocher et adoptées par le peuple ont eu un effet positif. Mais la pratique a mis aussi en lumière certaines lacunes, a jugé la ministre de justice et police.

A l'avenir, la Suisse ne devrait plus reconnaître l'objection de conscience ou la désertion comme un motif d'asile. Même les personnes exposées à de sérieux préjudices ou craignant à juste titre de l'être ne devraient plus recevoir le statut de réfugié si elles ne peuvent pas faire valoir d'autres persécutions pertinentes au vu du droit d'asile.

La mesure risque de se retourner principalement contre les déserteurs érythréens et somaliens, dont le nombre de demandes a explosé ces derniers temps. Néanmoins, la personne qui ne pourrait être renvoyée parce qu'elle risque de subir des traitements inhumains dans son pays devrait être admise provisoirement en Suisse,.

Il est prévu de court-circuiter les retards procéduriers abusifs. Une procédure permettant de traiter rapidement, par écrit, les demandes de réexamen et les demandes multiples sera introduite.

L'autre volet de la révision, qui vise aussi à faciliter les expulsions, touche la loi sur les étrangers. Les personnes faisant valoir que leur renvoi ne saurait être exigé pour des raisons personnelles - par exemple en cas d'absence de réseau social dans le pays d'origine - devraient désormais prouver cette allégation.

Accueil plutôt glacial

Les révisions annoncées arrivent trop tard pour l'UDC. Les augmentations massives de demandes d'asile en sont la preuve, a déclaré le porte-parole du parti Alain Hauert.

Le Parti socialiste rejette catégoriquement tout nouveau durcissement. Il critique en particulier la suppression de l'objection de conscience comme motif d'asile et la fermeture des ambassades suisses aux demandes.

Ce n'est pas en durcissant une nouvelle fois la loi sur l'asile que l'on changera quoi que ce soit à la réalité des réfugiés, notent de leur côté Amnesty International, l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés et l'Observatoire du droit d'asile et des étrangers dans un communiqué commun.

Le Parti libéral-radical soutient les mesures du Conseil fédéral visant à limiter l'afflux en hausse des requérants d'asile, a indiqué le secrétaire général Stefan Brupbacher. «Les procédures doivent être raccourcies et il faut éliminer les fausses incitations à venir en Suisse», a-t-il relevé.

Du côté du PDC, la réaction est plus nuancée. Les propositions du Conseil fédéral surviennent en réaction à des changements dans le domaine de l'asile, note la porte-parole Marianne Binder. «Nous souhaitons maintenant examiner les mesures proposées: leur conformité au droit international, leur proportionnalité et leurs effets.»