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Le durcissement de la loi sur l'asile divise les partis

Le Conseil fédéral veut serrer la vis en matière d'asile.
Le Conseil fédéral veut serrer la vis en matière d'asile.
Le durcissement de la loi sur l'asile fige les fronts. Alors que les partis bourgeois saluent un renforcement nécessaire, la gauche déplore la disparition de la tradition humanitaire suisse. Par ailleurs, le contre-projet du Conseil fédéral à l'initiative de l'UDC ne suscite pas l'enthousiasme des partis.

La gauche et les organisations spécialisées s'opposent au tour
de vis mis en consultation par Eveline Widmer-Schlumpf jusqu'à
mercredi. Les propositions ne visent plus à combattre les abus mais
à faire office de repoussoir, «au mépris de la dignité humaine»,
critiquent les socialistes.



Le projet prévoit une série de durcissements: l'objection de
conscience ou la désertion ne seraient plus reconnues comme motifs
d'asile, les activités politiques menées en Suisse dans le seul but
de motiver la qualité de réfugié seraient réprimées et la
possibilité de déposer une demande d'asile dans une représentation
diplomatique disparaîtrait.

L'UDC et la question des déserteurs

La suppression de la désertion comme motif d'asile découle d'un
afflux de déserteurs érythréens depuis une décision de la Cour
européenne des droits de l'homme de 2005. Celle-ci avait estimé
qu'ils méritaient protection car ils risquaient la torture, une
décision qui avait irrité le ministre de la justice d'alors
Christoph Blocher.



«Une fois de plus, le Conseil fédéral n'est pas prêt à prendre le
taureau par les cornes», a fait valoir le président de l'UDC, Toni
Brunner, mercredi devant les médias. Preuve en est, à ses yeux, les
hausses des demandes d'asile enregistrées ces derniers mois. La
baisse annoncée le jour même pour le premier trimestre 2009 (lire
ci-contre) ne change rien au problème, selon lui.



Son collègue au National, Yvan Perrin, est revenu à la charge
contre «la très funeste décision» de la commission des recours en
matière d'asile d'accepter les objecteurs de conscience érythréens.
La modification de loi proposée n'aura guère d'effets, car elle
prévoit des exceptions qui vident le dispositif de sa substance,
a-t-il averti.

Faire «le jeu des passeurs»

Quant à la proposition de supprimer la possibilité de déposer
une demande d'asile dans une représentation diplomatique, elle est
particulièrement décriée. Chaque année, 2500 personnes font usage
de ce droit. Si elles étaient venues en Suisse, la Confédération
aurait dû les loger, les entretenir et veiller à leur renvoi.



Avec le nouveau texte, les requérants risquent de tomber dans les
mains de trafiquants d'êtres humains, déplorent Caritas, l'Entraide
protestante et la Fédération des Eglises protestantes de Suisse
(FEPS).



Même l'UDC n'est pas non plus convaincue par l'idée d'interdire
aux candidats à l'asile de déposer une demande auprès d'une
ambassade suisse à l'étranger. «Il s'agit de la seule formule
claire du projet, mais la suppression de cette possibilité sera
contre productive et fera uniquement le jeu des passeurs», a
déploré le Neuchâtelois Yvan Perrin.

Opposition des organisations spécialisées

Le durcissement du droit ne fera pas
diminuer l'afflux de requérants, assurent l'Organisation suisse
d'aide aux réfugiés (OSAR) et Amnesty International (AI). «Le
nombre des réfugiés dépend de la situation désolée des droits
humains dans le pays d'origine, non de la législation et de la
jurisprudence dans les pays d'asile».



L'OSAR et AI plaident donc pour le retour à l'accueil de
contingents de réfugiés particulièrement vulnérables. La FEPS
rejette aussi les modifications proposées, car elles «font perdre
de vue la véritable vocation du système d'asile, qui est d'offrir
une protection efficace et sûre aux personnes persécutées».



Les Verts déplorent que le Conseil fédéral se mette à genoux
devant les milieux qui utilisent les droits d'asile et des
étrangers à des fins populistes. La loi a été révisée il y a un an,
rappellent-ils. Cet activisme législatif est superflu.

La droite pour un durcissement

Pour les libéraux-radicaux, la nette recrudescence de demandes
d'asile observée ces derniers mois nécessitait au contraire une
réaction. Les durcissements ponctuels prévus contribuent à un droit
d'asile sévère, mais juste, qui ne sacrifie pas la tradition
humanitaire suisse, estime le PLR. Le parti est plus réservé sur la
proposition concernant les demandes d'asile dans les ambassades
suisses à l'étranger.



Quant au PDC, il n'a pas encore publié sa prise de position.



ats/ap/sbo

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Criminels étrangers: un contre-projet peu populaire

Le contre-projet du Conseil fédéral à l'initiative de l'UDC sur le renvoi des criminels étrangers ne suscite pas l'enthousiasme des partis. Le gouvernement propose de révoquer systématiquement les autorisations de séjour des personnes qui écopent d'au moins deux ans de prison.

Il souhaite également que le niveau d'intégration des étrangers soit davantage pris en compte lors de l'octroi de permis. Ainsi, le permis C ne serait accordé que si l'intégration est «réussie».

Pour la gauche, ce texte est inutile. Aujourd'hui déjà, les cantons peuvent expulser les criminels étrangers. Evaluer l'intégration des étrangers la laisse également sceptique. «La prise en compte des connaissances linguistiques pour évaluer une intégration discrimine les personnes peu éduquées et âgées», regrettent les Verts.

Le PS craint une inflation bureaucratique de la police des étrangers. L'examen des personnes engendrera de fortes dépenses, met-il en garde.

La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), qui rejette aussi le projet, déplore que des domaines tout aussi nécessaires à l'intégration que la langue soient passés sous silence.

C'est toutefois insuffisant pour l'UDC, qui n'entend pas retirer son initiative «pour le renvoi des étrangers criminels». Le parti est loin d'être convaincu par le contre-projet du gouvernement. Avec ce dernier, les criminels continueraient d'être «chouchoutés». L'UDC remettra la compresse lors d'un congrès spécial le 2 mai à Berne.

Evoquant le renvoi en Suède par vol spécial du héros irakien de «La forteresse», Hans Fehr a critiqué des dépenses «prohibitives» et la transparence de la Confédération.

Le PLR, qui a déposé sa propre initiative parlementaire, juge que la solution du Conseil fédéral «reste bloquée à mi-chemin». Se baser sur une échelle de peines pour expulser une personne engendre une insécurité juridique. Le parti souhaite la création d'une liste claire des infractions et délits qui mènent à un renvoi.

Sur ce sujet non plus, le PDC n'a pas encore communiqué sa position.

Demandes et taux d'octroi en nette baisse

Durant le premier trimestre 2009, 4938 demandes d'asile ont été déposées en Suisse, soit 1317 de moins (-21,1%) que pour le trimestre précédent. Le nombre de demandes reste toutefois nettement plus élevé que celui des dernières années.

Les 4938 requêtes recensées à fin mars 2009 représentent une augmentation de 77,2% par rapport à la même période de l'année passée (2786), a indiqué mercredi l'Office fédéral des migrations (ODM).

La baisse enregistrée en ce début de d'année est avant tout due au recul du nombre de requérants érythréens et somaliens, même s'ils restent nombreux. Les Erythréens ont été 782 à demander l'asile durant les trois premiers mois de l'année, soit 627 de moins que durant le dernier trimestre de 2008 (-44,5%). Le nombre de Somaliens s'élève à 400, soit 685 de moins (-63,1%).

Derrière l'Erythrée, le Sri Lanka a été le deuxième pays de provenance des requérants, avec 454 (+11 demandes ou +2,5%). Le Nigéria occupe la troisième place avec 431 requêtes (+51 ou +13,4%), même si ses ressortissants n'ont quasiment aucune chance d'obtenir l'asile en Suisse avec 94% de décisions de non-entrée en matière (NEM).

Durant le premier trimestre 2009, 3664 demandes ont abouti à une décision de première instance, soit 6,7% de plus qu'au trimestre précédent. Parmi elles, 1545 ont donné lieu à une NEM, 1303 à une décision négative, 484 à l'octroi de l'asile et 334 à un retrait ou un classement.

Le taux d'octroi (14,5%) a été nettement plus faible qu'en 2008 (23%).