"Je pense que les enfants ont beaucoup à amener et ce n'est pas totalement absurde de vouloir abaisser l'âge du droit de vote, et pourquoi pas dès le berceau", explique le professeur de psychologie à l'Université de Genève Philip Jaffé, interrogé mercredi dans la Matinale.
"Augmenter le poids du lobby familial"
Egalement directeur du Centre interfacultaire en droit de l'enfant à Sion et tout récemment nommé au Comité des droits de l'enfant de l'ONU, il plaisante sur la difficulté à "interpréter le gazouillis d'un nouveau-né" avant de préciser qu'il proposerait que le droit de vote d'un enfant revienne à ses parents.
"Le but serait d'augmenter le poids du lobby familial, de la famille, dans nos sociétés, puisque les parents pensent déjà à l'intérêt de leur enfant, justifie-t-il. Cela permettrait aussi aux parents d'être moins dans l'instantané au moment de voter, et de mieux réfléchir à l'avenir."
Philip Jaffé estime toutefois que cette idée ne sera pas mise en place en Suisse. "On n'est même pas prêt à accepter le droit de vote à 16 ans, donc l'idée d'offrir le droit de vote dès le berceau est totalement insensée pour le pragmatisme helvétique", regrette-t-il.
"Les enfants revendiquent une place"
"De manière objective, les enfants de 0 à 18 ans sont sous-représentés alors qu'on voit, par exemple dans le débat sur le réchauffement climatique, à quel point ils revendiquent une place. Notre société en profiterait immensément", estime Philip Jaffé.
Concernant ce mouvement des jeunes en faveur du climat, le professeur en psychologie parle d'un nouveau Mai 68. "C'est extraordinaire de voir ces jeunes qui s'engagent pour un domaine important, alors qu'on a l'impression que les adultes et les politiciens sont paralysés."
"C'est un pied de nez aux adultes qui devraient théoriquement avoir ces pensées sérieuses et réfléchir à l'avenir des enfants. On devrait être embarrassés, en tant qu'adultes. On devrait aussi être grand, et faire la différence."
"Les autorités prennent conscience"
En Suisse, les autorités prennent gentiment conscience de cette importance de la voix des enfants. "La Confédération, les cantons et les communes prennent la mesure de ce qui doit être accompli pour que les enfants participent plus."
Et le professeur de citer l'exemple de Genève, qui a lancé une vaste consultation auprès des enfants pour savoir ce qui devrait être le futur, ce qui a débouché sur des idées sérieuses ou amusantes. "Fermer la rue pour s'amuser le dimanche ou construire un accro-branche pour visiter la ville sont des idées qui émanent d'enfants de 8 à 12 ans, et que la Ville va étudier."
Propos recueillis par Valérie Hauert/vkiss