Après le rejet de la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III) en février 2017, puis de la Prévoyance vieillesse 2020 (PV 2020) en septembre de la même année, les Suisses doivent se prononcer sur un paquet qui concerne à la fois la fiscalité des entreprises et le financement de l'AVS.
L'objectif de ce projet vise à créer un système fiscal attractif pour les entreprises, tout en répondant aux normes internationales. Les privilèges fiscaux octroyés aux grosses entreprises par les cantons font en effet l’objet de critiques de la part de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l'Union européenne.
Il s'agit en parallèle de compenser ces pertes fiscales par un financement additionnel de l'AVS à hauteur de deux milliards de francs par année.
Deux comités d'opposants
Deux comités référendaires, l'un issu des Verts et de la gauche radicale, l'autre composé de jeunes UDC et PLR, combattent le paquet RFFA. Les deux comités ont déposé séparément les signatures qu'ils ont chacun récoltées.
Le comité de gauche dénonce des déductions fiscales trop importantes au profit des entreprises et une compensation qu'ils qualifient d'"arnaque". Celui de droite revendique une réforme plus en profondeur du système des retraites.
>> Lire : Deux comités et des arguments différents pour lutter contre RFFA
Soutien du PLR, du PDC et du PS
A l'inverse, le PLR, le PDC et le PS suivent le Conseil fédéral et le Parlement. Aux yeux des socialistes, ce nouveau projet comporte suffisamment de compensations pour encourager les citoyens à voter oui le 19 mai prochain.
Le PDC, lui, juge la réforme équilibrée et estime qu'elle bénéficiera à la fois aux entreprises et à la population. Quant au PLR, il tient à voir une réforme de l’imposition des entreprises entrer en vigueur au plus vite pour tranquilliser les inquiétudes de l’économie quant à leur avenir fiscal.
Par ailleurs, les milieux économiques apportent également un fort soutien au projet, tout comme les cantons romands qui entendent également mener une campagne offensive.
Les deux milliards de compensation
Les deux milliards de francs annuels prévus dans le paquet pour financer l'AVS seront en grande partie à la charge de la Confédération, qui participera à hauteur de 800 millions de francs.
Le solde de 1,2 milliard sera partagé à part égale entre les entreprises et les travailleurs. En cas de oui, les cotisations augmenteraient pour la première fois depuis plus de 40 ans.
L'AVS du futur
En revanche, la RFFA ne répond pas encore à toutes les questions qui touchent à la réforme de l'AVS. A quel âge les travailleurs pourront-ils prendre leur retraite? Sera-t-elle flexible? Sur quelle rente pourront-ils compter?
Une première esquisse est toutefois sur la table: c'est le projet AVS21, présenté l'été dernier par le conseiller fédéral en charge de l'Intérieur Alain Berset. Celui-ci prévoit une retraite pour tous à 65 ans ainsi qu'un financement supplémentaire via la TVA. Elle devrait être augmentée de 1,5 point. Mais en cas de oui à la RFFA le 19 mai, elle serait limitée à 0,7 point.
Mais AVS21 ne fait pas l'unanimité. La droite veut restreindre au maximum l'augmentation de la taxe sur la consommation. C'est à cela que doivent servir les deux milliards, estime-t-elle. Elle préfère faire travailler les femmes un an de plus.
A l'inverse, pour les socialistes, qui soutiennent aussi RFFA, cet argent frais doit permettre de reporter la hausse de l'âge de la retraite des femmes, en attendant l'égalité salariale. Ils s'appuieront sur ce coussin financier pour combattre le relèvement de 64 à 65 ans.
La fiscalité dans les cantons
Même si le projet est accepté par le peuple le 19 mai, tout ne sera pas réglé. A commencer par le taux d’imposition des entreprises qui sera appliqué dans les cantons, certains devant encore le confirmer. Pour l'heure, ce taux d’imposition varie entre 12% - à Zoug ou Schaffhouse - et 18% à Zurich, alors qu'il se situe à environ 14% à Genève et dans le canton de Vaud.
Le Parti socialiste veut d'ailleurs combattre ces différences pour mettre fin à la concurrence fiscale entre les cantons. Le PS travaille actuellement sur une initiative populaire qui veut fixer un plancher minimal de 16%. Or, tous les cantons romands prévoient un taux inférieur avec la RFFA.
La réforme de la fiscalité des entreprises prévoit de verser un milliard de francs aux cantons et aux communes à titre de compensation pour les pertes fiscales que vont engendrer la baisse du taux d'imposition. Ce montant devrait être placé dans un pot commun, et son utilisation varier.
Il pourra par exemple financer des mesures compensatoires supplémentaire pour la population, à l'image du canton de Vaud, qui prévoit des subsides pour les primes maladies. Mais d'autres cantons pourraient simplement se contenter de compenser les pertes occasionnées, sans proposer d'autre investissement concret pour les citoyens.
Mathieu Henderson avec Muriel Ballaman et Alexandra Richard