La Chambre du peuple a pris en conséquence mercredi certaines mesures pour tenter de désengorger le Tribunal fédéral (TF), en décidant notamment de durcir certaines conditions de saisine de la plus haute instance juridique de Suisse.
Mais le National est allé nettement moins loin que ne le demandait le Conseil fédéral, et certaines de ces mesures pourraient ne pas avoir les effets escomptés. C'est l'avis exprimé après le vote par le président du Tribunal fédéral Ulrich Meyer, qui s'est dit "déçu."
Interrogé jeudi dans La Matinale, l'ancien juge et ancien président du TF Claude Rouiller refuse de parler d'engorgement. "Si l'on veut dire qu'il est surchargé, cela signifierait qu'il n'est pas en mesure d'accomplir correctement ses tâches, c’est-à-dire de juger de manière raisonnable dans un délai raisonnable des affaires qui justifient l'intervention d'une cour suprême. Or cela n'est pas le cas", assure-t-il.
"Certaines affaires ne devraient jamais arriver devant le TF"
Le magistrat reconnaît cependant qu'il y a beaucoup trop d'affaires qui arrivent sur le bureau des juges de Mon Repos. "Dans la mesure où cela ne pose pas de questions de principe, certaines affaires ne devraient jamais arriver devant le Tribunal fédéral si l'on veut que celui-ci soit vraiment une Cour suprême comme cela existe dans toutes les autres démocraties. Or actuellement, le Tribunal fédéral n'est pas vraiment une Cour suprême, c'est la Cour supérieure. Ce n'est ni la Cour constitutionnelle du pays ni celle qui garantit que tout le droit fédéral soit appliqué de manière uniforme dans tout le pays."
Et Claude Rouiller ne croit pas en l'efficacité des mesures prises mercredi par le Conseil national. "C'est un vieux serpent de mer et on n'y arrivera pas par ces moyens", dit-il. "Il faut sortir une bonne fois de ce schéma, sinon chaque cinq ou dix ans on recommencera à faire une réforme en disant que le Tribunal fédéral n'arrive plus à faire son travail. Le système qu'on choisira sera d'augmenter le nombre des juges, ce qui est le pire système possible parce qu'on ne garantit plus l'unité de la jurisprudence."
Créer de vrais tribunaux intermédiaires
Pour l'ancien président de la Haute Cour, la solution "c'est créer des cours intermédiaires. Et c'est ce qu'a fait le Tribunal fédéral en 2007 en créant le Tribunal administratif de Saint-Gall et le Tribunal pénal de Bellinzone. Mais le Conseil fédéral constate aujourd'hui qu'il a failli à résoudre les problèmes qui se posaient. Il y a toujours plus de cas qui arrivent au Tribunal fédéral et la création de ces tribunaux intermédiaires n'a pas suffi à le décharger (...) Donc, si on veut avoir une vraie Cour suprême, il faut créer de vrais tribunaux intermédiaires qui aient la compétence de trancher des cas qui n'iront pas au Tribunal fédéral."
Reste à voir maintenant si le Conseil des Etats corrigera la copie du National et s'il décidera de mettre en place les restrictions qui permettent véritablement de décharger le Tribunal fédéral de toutes les affaires qui l'encombrent.
Propos recueillis par Romaine Morard/oang