La décision doit être entérinée lors de l'assemblée générale des
actionnaires du 15 avril prochain. Kaspar Villiger a expliqué qu'il
est à disposition pour reprendre la présidence de la banque à cause
d'un sentiment du devoir envers la Suisse et sa population.
Après son élection par l'assemblée générale d'UBS le 15 avril, il
abandonnera tous ses autres mandats dans des entreprises. Il s'agit
notamment de Nestlé, Swiss Life et de la Neue Zürcher Zeitung
(NZZ).
Retour aux "valeurs"
L'ancien conseiller fédéral radical entend
réagir à la situation actuelle en faisant confiance aux valeurs
essentielles du pays: l'intégrité, l'application au travail et la
fiabilité. "Je crois que je peux aider à renforcer à nouveau ces
valeurs", a souligné le président désigné d'UBS, qui avait siégé au
gouvernement de 1989 à 2003, dont huit ans comme ministre des
Finances.
Kaspar Villiger a reconnu avoir refusé une première fois de
reprendre la présidence de l'UBS. Ce n'est qu'à la deuxième
tentative et après une entrevue avec Oswald Grübel, qu'il a
accepté. L'ex-grand argentier de la Confédération envisage de
demeurer à la présidence de l'UBS jusqu'à cinq ans. Et si le besoin
s'en faisait sentir, la clause empêchant un administrateur de
sièger au delà de 70 ans pourrait être révisée, a noté Peter
Kurer.
Après le remplacement jeudi dernier de Marcel Rohner par
l'ancien patron du Credit Suisse Oswald Grübel, la pression s'était
accentuée sur Peter Kurer. Lors de son élection à la présidence du
conseil d'administration il y a un an, il était déjà considéré
comme un candidat de transition après l'ère Ospel.
Sa responsabilité dans l'affaire de fraude fiscale aux Etats Unis,
en tant qu'ancien directeur juridique des affaires de la banque,
avait durement entamé sa crédibilité.
"Devoir accompli"
Peter Kurer a indiqué qu'il avait déjà informé en novembre le
conseil d'administration de son intention de ne pas solliciter de
nouveau mandat. Il part avec le sentiment du devoir accompli, même
s'il a reconnu avoir commis des erreurs. "Ces dix derniers mois, de
nombreux problèmes ont été résolus", avec entre autres la
finalisation de deux recapitalisations, l'accord avec la BNS sur la
reprise d'actifs toxiques, et la révision du système des
salaires.
"La plupart des objectifs que je m'étais fixés ont été atteints",
a souligné mercredi Peter Kurer. Il a encore précisé qu'il
seconderait son successeur, l'ancien conseiller fédéral Kaspar
Villiger, jusqu'à fin avril.
Départ sans indemnité
Le futur ex-président touchera son
"salaire normal", fixé à 2 millions de francs par an, durant six
mois après avoir quitté son bureau le 30 avril, sans aucune
indemnité de départ. Quant à son successeur, il a jugé suffisant un
montant de 850'000 francs, sans action, ni bonus. Ce salaire
correspond à celui des membres du directoire de la Banque nationale
suisse (BNS). Kaspar Villiger a relevé avoir refusé une
rémunération identique à celle de son prédécesseur.
Le vice-président d'UBS et patron de Fiat Sergio Marchionne a
remercié Peter Kurer pour ses services. Il faisait figure de
candidat à la succession du président et avait attiré l'attention
par des pointes lancées contre Kurer et Rohner. Le patron de la
Deutsche Bank, Josef Ackermann, était également un successeur
potentiel. Ce banquier suisse, qui a fait carrière à Francfort
après avoir quitté le Credit Suisse, a cependant renoncé.
Equipe expérimentée
Avec l'arrivée en tant que CEO d'Oswald Grübel, 65 ans, la
banque dispose d'une nouvelle équipe, expérimentée, pour relever la
tête. Les nouvelles têtes dirigeantes devront trouver une issue à
l'affaire de fraude fiscale aux Etats-Unis et ramener la banque
dans les chiffres noirs, après une perte abyssale de près de 20
milliards de francs l'an dernier.
Les deux nouveaux hommes forts de l'UBS ont l'avantage de ne pas
être impliqués dans les déboires de l'établissement sur territoire
américain.
Les investisseurs ont salué mercredi l'annonce du retrait de Peter
Kurer. A la Bourse suisse, l'action UBS a repris des couleurs,
gagnant 3,4% à 10,23 francs. De son côté, l'indice SMI (Swiss
Market Index) des principales valeurs gagnait 2,42% à 4463,67
points à la clôture mercredi. Le SLI (Swiss Leaders Index)
augmentait de 2,98% à 636,82 points, et l'indice élargi du SPI
(Swiss performance Index) prenait 2,37% à 3750,06.
agences/cab/bri
Kaspar Villiger pour sauver le secret bancaire
En proposant Kaspar Villiger à la présidence, l'UBS fait le choix de l'expérience. Le Lucernois, âgé de 68 ans, s'est signalé durant ses huit années en tant que ministre des Finances comme un défenseur acharné du secret bancaire.
Malgré les pressions internationales, le radical n'a jamais cédé le morceau, même lorsque la Suisse a été soupçonnée de favoriser le financement du terrorisme par ce biais. Un argument de poids alors que les pressions se sont accentuées depuis deux semaines, notamment du côté des Etats-Unis.
En tant que grand argentier, il a notamment mis en vigueur une législation contre le blanchiment d'argent et mis en place un organe de surveillance des marchés financiers. Il a également finalisé un accord avec l'Union européenne en matière d'imposition fiscale des revenus d'intérêts.
Des réactions mitigées
Un changement à la présidence d'UBS était attendu par les présidents des partis gouvernementaux. Par contre, le choix de l'ancien conseiller fédéral Kaspar Villiger divise.
Kaspar Villiger pourra certainement contribuer à surmonter la crise de confiance aux Etats-Unis et en Suisse, a déclaré le président du PRD Fulvio Pelli à la Radio alémanique.
Président du PDC, Christophe Darbellay estime qu'il s'agit d'un bon choix: Kaspar Villiger a l'expérience et le calme nécessaires pour occuper une telle fonction et il dispose d'un bon réseau dans le monde économique. Il est par ailleurs celui qui a ancré le secret bancaire dans des accords internationaux.
Pour Christian Levrat, président du PS, un changement à la présidence d'UBS était nécessaire pour rétablir la confiance. Par contre, Kaspar Villiger a deux visages et l'un d'eux est celui de l'ancien Parti radical, a précisé à l'AP Christian Levrat. A 68 ans, l'ancien conseiller fédéral n'est pas un homme du renouveau. Il n'a pas remarquablement agi lors de la tentative de sauvetage de Swissair, estime Christian Levrat.
Sur la DRS, Toni Brunner, président de l'UDC s'est dit très surpris du choix de Kaspar Villiger. "La première question que je me suis posée est: a-t-il des connaissances en matière bancaire? Et est-il vraiment capable par temps de crise?".
De son côté, le Département fédéral des finances a salué la nomination de Kaspar Villiger. Le DFF relève que Kaspar Villiger est une personnalité de grande expérience qui s'est distinguée jusqu'ici en dehors d'UBS et du monde bancaire, ce qui permet de tirer un trait sur le passé et pas seulement à un niveau symbolique.
L'Association suisse des banquiers et economiesuisse ont salué le choix de l'ancien conseiller fédéral.
L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a salué le changement de direction à l'UBS. La FINMA espère qu'il s'agit d'un pas supplémentaire vers la stabilisation de la grande banque.