Par les airs ou à la force des mollets: les Suisses vont au travail en s'amusant (aussi)
Les Suisses sont d'importants pendulaires: en 2017, neuf actifs sur dix travaillaient en dehors de leur commune de domicile. Et si la voiture reste leur moyen de transport privilégié pour se rendre au bureau, d'autres modes, plus originaux voire plus écologiques, ont fait leur apparition dans la mobilité individuelle, comme le parapente. Difficile de ne pas trouver son bonheur.
"Ici la Suisse" a consacré une semaine au sujet de la mobilité suisse d'aujourd'hui et de demain en cinq épisodes, pour cinq modes de transport.
Le parapente
L'original
C'est des bas de la station valaisanne de Vercorin que Laurent Borella décolle les matins clairs pour se rendre au Techno-Pôle de Sierre. Aussi fou que puisse sembler le parapente comme moyen de transport, il est plus rapide que la voiture ou la cabine: cinq minutes suffisent au responsable exécutif de l'institution sierroise. Avec comme autre bonus, une vue magnifique:
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"Des chamois dans les falaises, un joli coup d'oeil sur le lac de Géronde qui est gelé. C'était un vol très sympa!", résume Laurent Borella à son atterrissage. Ce mode de transport influence son état d'esprit. "Dans les premières minutes, oui, parce que j'ai encore la tête en l'air", plaisante-t-il.
Plaisir pur
Le choix de voler pour venir au travail n'était pas dicté par des raisons écologiques. "C'était par plaisir pur. Avec le temps, l'aspect écologique s'y est greffé, car au technopole, on met en avant la mobilité douce." Même par grand froid, Laurent Borella ne se refuse pas le plaisir de voler. Et pour rentrer à Vercorin, il favorise le téléphérique ou la marche. "La voiture ne me fait pas du tout envie. Je suis convaincu que le parapente est moins dangereux."
Contre toute attente, ils sont une trentaine à Vercorin à utiliser le parapente comme moyen de locomotion. Mais Laurent Borella se distingue par sa régularité.
La marche
L'abordable
Dix mille pas par jour, c'est une recommandation de santé publique. Mais parmi la pléthore de moyens de transport, qui privilégie encore largement la marche ? En Suisse, environ 10% des personnes se rendent au travail à pied. Mais la grande majorité d'entre elles habitent près de leur bureau.
Marcheurs fréquents
Ces aficionados de la marche s'appellent les "frequent walkers", soit les marcheurs réguliers. Pour entrer dans cette catégorie, il faut parcourir au moins 10'000 pas par jour, l’équivalent d’une heure de marche en dehors du domicile. Le souci écologique n'est pas leur motivation première. C'est avant tout une question de bien-être.
Un chercheur en mobilité et santé publique de l’EPFL de l’Université de Genève, Derek Christie, leur a consacré une vaste étude. Ce qui en ressort, c'est qu'ils privilégient les beaux parcs, les espaces verts et qu'ils empruntent des raccourcis.
L'autre solution, c'est de coupler les transports publics au mode piéton. Jocelyne Majo vit à Pully et travaille comme professeure à l'Ecole d'ingénierie et de gestion d'Yverdon. Elle se rend de son domicile jusqu'à la gare de Lausanne à pied, soit trois kilomètres et au moins 45 minutes. "Prendre la voiture, c'est dès le départ entrer dans le stress, explique cette mère de famille. Evidemment je perds du temps en marchant, mais je l'utilise comme temps de réflexion pour ma journée. Ce n'est pas seulement une marche contemplative."
Le vélo
L'écolo qui se renouvelle
Parcourir des dizaines de kilomètres en vélo pour se rendre au travail, certains adeptes le font presque au quotidien. La pratique se nomme d'ailleurs le "vélotaf". Car rouler avec sa petite reine a de nombreux avantages, tels que financiers, logistiques, écologiques et sportifs.
Le charme de l'objet d'occasion
Face à ses concurrents électriques, le bon vieux bicycle ne perd pas sa cote, même chez les jeunes. Dans ce domaine comme dans d'autres, le vintage connaît son heure de gloire. A l'atelier Bletz, à l'Université de Neuchâtel, Théo et Caroline réparent et vendent des deux-roues. L'acheteur décide lui-même du prix.
"J'ai acheté un vélo de course des années 90. Il a sa part de modernité, explique cette dernière. Je l'adore car j'ai eu beaucoup d'aventures avec." Des compétitions et même un accident. "Avec un pignon et un plateau, les fixies et les single speed sont très faciles d'entretien."
Théo collectionne même les vélos. "Je me suis construit un vélo en récupérant des pièces, explique-t-il." Les deux étudiants s'accordent à dire que les vieilles bécanes plaisent, surtout celles des années 1970 ou 1980. "C'est beau en tant qu'objet et c'est beau de réutiliser quelque chose." Pédaler, ou un style de vie.
L'avion
Le plaisir pas si coupable
Sion-Genève en 20 minutes, c'est l'option choisie par Grégoire Rey. Cet avocat partage son temps entre deux études: l'une à Sion, l'autre à Genève. A bord de son petit avion qu'il pilote lui-même, il s'évite les bouchons de l'Arc lémanique dans le luxe. Il peut même faire son plan de vol sur son smartphone.
"Une pollution pas scandaleuse en soi"
Grégoire Rey estime l'heure de vol à 400 francs tout compris. Il dit aussi consommer une quarantaine de litres de carburant par heure, soit 11 ou 12 pour le trajet Sion-Genève. Pour comparaison, il faut plus ou moins neuf litres avec une voiture de tourisme neuve. "Ce n'est pas une pollution qui est en soi plus scandaleuse", défend-il.
Qu'est-ce que l'avocat y gagne, finalement ? "Dans 99% des cas, rien, admet-il. Sauf que le décollage est magique. C'est la définition d'une passion je crois. Et le pourcent restant, c'est pour les cas où je ne pourrais pas être en audience jusqu'à midi à Genève et reprendre à 13h à Sion."
Et l'avocat n'est pas le seul pendulaire à décoller de Sion: l'aéroport en compte une petite dizaine selon sa directrice Aline Bovier. Des femmes et des hommes qui optimisent ainsi leur agenda. Mais il n'existe pas de données au niveau national, car le phénomène est trop marginal.
La voiture
L'indétrônable
Les bouchons et les alertes climatiques n'y changent rien: les Suisses se plaisent au volant de leur auto. Selon des chiffres de l'Office fédéral de la statistique, plus de la moitié des pendulaires utilisaient leur voiture comme principal moyen de transport en 2017. Aujourd'hui, le quatre-roues reste star. Peut-être parce qu'entre bolide et petite compacte, elle fait toujours un peu rêver.
Vers un futur électrique
C'est en tout cas vrai pour un fils de garagiste qui a décidé de reprendre le flambeau à Corgémont, dans le Vallon de Saint-Imier. "Il faut que la voiture soit recherchée et qu'elle ait un beau bruit, un beau moteur, explique Stefano de Tomi. Les gens se retournent quand je passe."
La mécanique telle qu'il la connaît serait même un art à préserver, à l'heure où les ventes de voitures électriques progressent. "Pour moi, une course de voitures électriques, ce n'est pas de la course. Il n'y a aucun bruit, aucun charme", défend le mécanicien.
Mais les jeunes s'intéressent de moins en moins aux automobiles. Au-delà des arguments climatiques, c'est aussi une question de prix et du développement du réseau de transport, plus performant aujourd'hui qu'il y a vingt ans.