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"J'ai dû me battre pour faire rembourser la chimio de mon fils"

"La caisse maladie ne voulait pas rembourser la chimio de mon fils"
"La caisse maladie ne voulait pas rembourser la chimio de mon fils" / L'actu en vidéo / 3 min. / le 20 mars 2019
Les médicaments destinés aux enfants atteints de cancer ne sont pas toujours pris en charge automatiquement par les caisses maladie. Alessia Baerlocher explique comment elle a dû se battre pour faire rembourser la chimiothérapie de son fils de cinq ans.

Atteint d'une leucémie en 2016, Damien fait partie des quelque 250 enfants frappés chaque année par un cancer en Suisse. "C'était un tsunami, nous étions complètement perdus", réagit sa maman.

Depuis environ trois ans, l'enfant cumule les médicaments. "Il doit prendre une chimiothérapie orale tous les jours et une autre toutes les semaines. Il a aussi une chimiothérapie par intraveineuse une fois par mois à l'hôpital, et prend de la cortisone cinq fois par semaine, ainsi que des antibiotiques", explique Alessia Baerlocher. Tous ces produits n'ont pas été directement remboursés par la caisse maladie de la famille. C'est le cas de la chimiothérapie orale que Damien avale chaque jour. "Elle coûte 235 francs pour une durée de un mois et demi à deux mois", explique sa mère.

La raison de ce non remboursement? "La caisse nous a informés que ce médicament ne figurait pas sur sa liste". En effet, pour être pris en charge automatiquement par l'assurance maladie de base, le produit doit être prescrit par un médecin et figurer sur la liste des spécialités (LS) de l’Office fédéral de la santé publique (lire encadré).

Or, celui de Damien figure bien sur la LS et ce depuis 1989. Contactée, la caisse n'a pas souhaité répondre sur le cas précis, invoquant la protection des données. Mais, écrit-elle, "il est possible que nous n’ayons pas d’emblée disposé de suffisamment d’éléments attestant que ce cas répondait aux indications enregistrées dans le Compendium (le référencement des médicaments, ndlr)".

L'appui du médecin

Après insistance auprès de l'assurance et avec l'appui du médecin, Alessia Baerlocher a finalement obtenu le remboursement des 235 francs. "J'ai dû appeler la caisse deux fois et le docteur a dû écrire une lettre et remplir un formulaire. Et là, ils ont accepté de le prendre, avec une réévaluation après trois mois."

Elle soupire: "On est déjà anéantis par ce qui nous arrive et on doit encore se battre pour faire rembourser ses médicaments. Je pense que l'on n'a pas à vivre cela."

Le cas de cette famille n'est pas isolé, à en croire les spécialistes médicaux contactés. "C'est lourd pour les parents mais aussi pour nous les médecins, parce qu'on donne une énergie considérable pour répondre aux assurances", rapporte Manuel Diezi, spécialiste en onco-hématologie pédiatrique au Centre hospitalier universitaire vaudois, à Lausanne.

Et d'évoquer un cas récent dans sa pratique: "Il s'agit d'un médicament qui a été administré chez un enfant il y a une année. Il y a eu cinq ou six échanges avec l'assurance pour qu'elle accepte finalement la prise en charge d'un produit coûtant 150 ou 200 francs. Mais puisque la boîte pharmaceutique n'a jamais pris la peine de l'enregistrer en Suisse, la caisse maladie indique qu'elle pourrait refuser de le payer."

>> Les précisions de Marie Giovanola dans La Matinale :

Médicament anti-cancéreux du groupe pharmaceutique américain Celgene (archives). [AP/Keystone - Mike Derer]AP/Keystone - Mike Derer
Le Conseil national demande un remboursement équitable des anti-cancéreux destinés aux enfants / La Matinale / 3 min. / le 21 mars 2019

Dossier en mains du Conseil fédéral

De son côté, Heinz Brand, le président de la faîtière des assurances maladie Santésuisse, rappelle que l'efficacité d'un médicament doit être certifiée pour qu'il soit remboursé. Mais, dit-il, il espère une solution durable: "Nous devons trouver une solution définitive. Ce sont toujours les caisses maladie qui sont pointées du doigt car elles ne peuvent pas payer les médicaments qui ne figurent pas sur les listes des spécialités."

Cette solution pourrait passer par le Conseil fédéral. Le gouvernement a en effet été chargé par le Conseil national d'établir un rapport sur la prise en charge des médicaments destinés aux enfants atteints de cancer. Attendu pour 2020, ce document devra préciser les conditions de prise en charge des médicaments par les assureurs.

Les députés attendent aussi des solutions pour le remboursement des médicaments non encore autorisés en Suisse, mais autorisés à l'étranger. Le Conseil fédéral devra également proposer des solutions pour éviter des inégalités de traitement dans la prise en charge des médicaments utilisés "hors étiquette" (lire encadré).

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Mathieu Henderson

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Des médicaments pour adultes adaptés pour les enfants

Les médicaments anticancéreux destinés spécifiquement aux enfants font défaut sur le marché. En effet, ce sont souvent des produits pour adultes qui sont adaptés. "Il y a par exemple des médicaments qui sont mis sur le marché pour traiter les mélanomes chez les adultes et qui ont un intérêt pour les tumeurs pédiatriques mais qui ne sont pas reconnus comme tels", explique Manuel Diezi, spécialiste en onco-hématologie pédiatrique au CHUV.

Ces produits sont considérés "hors étiquette". Cela signifie que l'Institut suisse des produits thérapeutiques ne les a pas autorisés ou que l'Office fédéral de la santé publique ne les a pas inscrits dans la liste des spécialités. Or les assurances maladie ont uniquement l'obligation de rembourser les produits figurant sur cette liste.