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Le peuple devra voter sur l'interdiction des minarets

Le débat a duré plus de 5 heures au National ce mercredi.
Le débat a duré plus de 5 heures au National ce mercredi.
Le peuple devra se prononcer sur l'initiative contre les minarets, même si elle stigmatise les musulmans et pose des problèmes juridiques. Fort de cet avis, le Conseil national s'est borné mercredi à recommander le rejet de ce texte. Au grand dam de la gauche, qui voulait le déclarer nul.

Reflet de la charge émotionnelle du sujet, une quarantaine
d'orateurs se sont succédés à la tribune pendant plus de cinq
heures. Le débat a vite tourné en rond, partisans et opposants
campant sur leurs positions et répétant à l'envi les mêmes
arguments sous une forme ou une autre.

L'UDC a lutté en vain

Sans surprise, l'initiative populaire lancée par des membres de
l'UDC et de l'Union démocratique fédérale (UDF) n'a pas trouvé de
soutien au-delà de ces partis. La Chambre du peuple a suivi le
gouvernement en optant au final pour le "non" sans contre-projet,
par 129 voix contre 50.



La droite dure conservatrice n'a eu de cesse de marteler son
message: les minarets participent d'une "islamisation rampante" de
la Suisse. En interdisant leur construction, on donne un "signal
fort" contre cette tendance et contre l'intolérance du monde
musulman, a fait valoir Hans Fehr (UDC/ZH). La St-Galloise Jasmin
Hutter s'est montrée tout aussi virulente en s'inquiétant de la
condition des femmes et des cas d'application de la charia hors de
pays musulmans.



Les UDC, pourtant opposés au partenariat enregistré pour les
personnes de même sexe, ont également appuyé leur plaidoyer sur la
situation des homosexuels, vue par l'islam. Le parti s'est
toutefois voulu rassurant: il s'agit de combattre les minarets en
tant que symbole de domination, et non de contester le principe de
la liberté religieuse. Les quelque 350'000 musulmans de Suisse
peuvent très bien exprimer leur foi dans des mosquées sans
minaret.

L'image de la Suisse

La riposte ne s'est pas fait attendre: "La première initiative
acceptée par le peuple, sur l'abattage rituel, était antisémite. A
l'époque, au 19e siècle, les partisans ont affirmé ne pas être
contre les juifs, mais pour les animaux. C'est la même chose
aujourd'hui", leur a répondu Josef Lang (Verts/ZG). "Après les
musulmans, qui seront les suivants?", se sont interrogés Andy
Tschümperlin (PS/SZ) et Jacques Neirynck (PDC/VD).



Tant la gauche que la droite modérée, y compris les formations se
réclamant des valeurs chrétiennes, comme le PDC et le Parti
évangélique, n'ont pas ménagé leurs efforts pour mettre en garde
contre le risque d'alimenter le fondamentalisme par le
fondamentalisme et d'attiser la haine religieuse. La Suisse a plus
à y perdre qu'à y gagner: cette initiative ternit son image et ne
permet ni d'éviter les excès ni de se prémunir contre le
terrorisme, au contraire.

L'intégration à améliorer

Ce texte crée une fausse impression de sécurité et détourne
l'attention des améliorations nécessaires, notamment dans le
domaine de l'intégration, a renchéri Barbara Schmid-Federer
(PDC/ZH). Un scepticisme partagé par Christian Wasserfallen
(PLR/BE): on doit être critique à l'égard de l'islam, mais les
revendications des partisans de l'interdiction des minarets
relèvent du droit des constructions, et non de la
Constitution.



L'initiative sera par ailleurs difficile à concrétiser, celle-ci
violant plusieurs droits fondamentaux ancrés dans la Constitution
et les conventions internationales. Pour la gauche, soutenue par
une poignée de représentants du centre, la conséquence à tirer
aurait donc été de l'invalider. Le Conseil fédéral a renoncé à
déclarer le texte nul par "opportunisme politique", a critiqué
Andreas Gross (PS/ZH).



D'après lui, le gouvernement a minimisé à dessein la notion de
violation du droit international impératif, condition nécessaire en
l'état pour qu'une initiative soit considérée comme non valable.
Malgré des réserves formelles, le camp bourgeois a refusé de le
suivre sur ce point par 128 contre 53. Le dossier passe au Conseil
des Etats.



agences/bri/mej

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Quatre minarets existent en Suisse

Quatre minarets se dressent à l'heure actuelle dans le ciel suisse: à Genève, Zurich, Winterthour et depuis peu à Wangen bei Olten (SO).

Un cinquième est planifié à Langenthal (BE). La demande de permis de construire y est encore pendante.

A Wangen, le minaret, réalisé par l'association culturelle turque, est construit depuis un mois, après bien des péripéties juridiques.

Dans le canton de Berne, la procédure concernant une demande d'autorisation de construire un minaret à Langenthal est toujours en cours.

Les initiants doivent revoir leurs plans après l'acceptation par les autorités communales de recours des voisins.

Deux projets ont par ailleurs été abandonnés dans les cantons de Lucerne et de St-Gall.

Selon une étude de la Commission fédérale des étrangers, il existe en Suisse 130 centres culturels ou de prières musulmans.

La plupart d'entre eux se trouvent dans des immeubles conventionnels.

Le National renforce l'appareil contre le génocide

La Suisse veut par ailleurs se donner les moyens d'entamer des poursuites contre les auteurs des crimes les plus atroces. Par 123 voix contre 39, le Conseil national a renforcé mercredi l'appareil pénal en vue de mettre en oeuvre le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Seule l'UDC s'est murée contre ces dispositions.

La Suisse ne doit pas servir de refuge aux auteurs de génocides et de crimes contre l'humanité. Il s'agit aussi d'éviter que des infractions commises sur son territoire ou ses ressortissants soient jugées par la CPI, a expliqué Daniel Jositsch (PS/ZH) au nom de la commission.

Actuellement, le droit pénal ne couvre les crimes de guerre que par un renvoi au droit humanitaire international. Les crimes visés, comme l'extermination, la réduction en esclavage ou les disparitions forcées, sont déjà couverts par le droit pénal suisse.

Le droit pénal mentionnera à l'avenir explicitement les actes de guerre contre une population civile, le recrutement d'enfants soldats ou le recours à des armes interdites. La notion de crime contre l'humanité sera précisée.

Seule correction apportée au projet du Conseil fédéral, la peine privative de liberté minimale pour le génocide et les crimes contre l'humanité a été augmentée de 5 à 10 ans. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.