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Minarets: les Etats prônent le non à l'initiative

L'initiative contre les minarets a été déposée mardi à Berne.
L'initiative contre les minarets avait été déposée en juillet dernier.
Après le National, le Conseil des Etats a jugé l'initiative pour l'interdiction des minarets valable, malgré ses défauts politiques et juridiques. Mais il a recommandé son rejet au nom de la tolérance et de la liberté de croyance.

Comme attendu, seule une poignée de sénateurs UDC est venue
vendredi à la rescousse de l'initiative populaire lancée par des
membres de ce parti et de l'Union démocratique fédérale (UDF). Le
"non" l'a emporté massivement, par 36 voix contre 3. Le score a en
revanche été plus serré concernant la recevabilité du texte.
Celui-ci a finalement été déclaré valable par 24 voix contre 16. La
question d'un contre-projet n'a même pas été abordée.



Pour les partisans du nouvel article constitutionnel proposé, les
minarets participent d'une "islamisation rampante" de la Suisse.
Interdire leur construction permettra, à leurs yeux, de
court-circuiter cette tendance ainsi que l'intolérance du monde
musulman. "La tolérance doit être réciproque", a plaidé Maximilian
Reimann (UDC/AG), faisant valoir les difficultés auxquelles les
chrétiens sont confrontés dans certains pays musulmans.

Contre la loi du talion

"Répondre au fondamentalisme par le fondamentalisme est un signe
de faiblesse", lui ont rétorqué les intervenants des autres partis.
Luc Recordon (Verts/VD) n'a pas hésité à qualifier le texte en
discussion de "charia chrétienne".



Accepter cette initiative serait un retour en arrière, à l'époque
où l'on stigmatisait les minorités religieuses, a insisté Rolf
Büttiker. Tout en admettant que le minaret de Wangen bei Olten près
duquel il passe tous les jours ne lui plaît guère d'un point de vue
esthétique, le radical soleurois s'est dit convaincu qu'interdire
ces édifices ne contribuerait ni à la bonne entente entre les
communautés ni à la sécurité du pays.



Plusieurs orateurs se sont en effet inquiétés de l'image de la
Suisse sur la scène internationale en cas de "oui". Et de prédire,
vu l'impossibilité de mener ce scrutin en catimini, une série de
difficultés politiques, économiques et sécuritaires. Cette
confrontation a été jugée d'autant plus inutile que les garde-fous
existants, notamment les normes légales en matière de construction
et d'urbanisme, suffisent pour atteindre l'objectif visé.

Droits négociables ou pas

Les sénateurs ne sont toutefois pas allés jusqu'à invalider
l'initiative. Fidèle à sa réputation de "chambre de réflexion", le
Conseil des Etats s'est longuement penché sur les grands principes
en jeu. Mais il est resté divisé sur l'analyse de leur nature et
les conséquences à tirer. Une forte minorité emmenée par Theo
Maissen (PDC/GR) prônait la nullité, estimant que des droits comme
la liberté de croyance "ne sont pas négociables".



L'initiative risque en outre de ne pas pouvoir être concrétisée,
ou d'obliger la Suisse à dénoncer la Convention européenne des
droits de l'homme (CEDH) et le protocole de l'ONU idoine. La
majorité n'a pas nié que la traduction dans les faits de
l'interdiction des minarets donnera du fil à retordre. "On
s'achemine vers des difficultés analogues à celles qu'on a eu avec
l'initiative pour l'internement à vie des criminels très
dangereux", a répété la ministre de la justice Eveline Widmer
Schlumpf.

Démocratie directe

Le texte de la droite conservatrice doit néanmoins être mis en
votation car il ne viole pas le droit international impératif, qui
inclut entre autres l'interdiction de la torture, du génocide et la
discrimination raciale. Pas question par ailleurs de sacrifier les
droits populaires sur l'autel des droits de l'homme.



Le problème du nombre croissant d'initiatives populaires flirtant
avec la ligne rouge donne du grain à moudre au Parlement depuis
longtemps. Plusieurs interventions ont été déposées pour clarifier
les relations entre droit national et international. Les élus
espèrent que le rapport du Conseil fédéral sur cette question,
attendu cet automne, permettra d'y voir plus clair.



ats/bri

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Quatre minarets existent en Suisse

Quatre minarets se dressent à l'heure actuelle dans le ciel suisse: à Genève, Zurich, Winterthour et depuis peu à Wangen bei Olten (SO).

Un cinquième est planifié à Langenthal (BE). La demande de permis de construire y est encore pendante.

A Wangen, le minaret, réalisé par l'association culturelle turque, est construit depuis un mois, après bien des péripéties juridiques.

Dans le canton de Berne, la procédure concernant une demande d'autorisation de construire un minaret à Langenthal est toujours en cours.

Les initiants doivent revoir leurs plans après l'acceptation par les autorités communales de recours des voisins.

Deux projets ont par ailleurs été abandonnés dans les cantons de Lucerne et de St-Gall.

Selon une étude de la Commission fédérale des étrangers, il existe en Suisse 130 centres culturels ou de prières musulmans.

La plupart d'entre eux se trouvent dans des immeubles conventionnels.