Faisant fi de leur traditionnelle discrétion, les autorités
helvétiques ont laissé libre cours à leur mécontentement, dix jours
après avoir été inscrits par l'OCDE sur la liste "grise" des Etats
ayant pris l'engagement d'échanger des renseignements fiscaux sans
toutefois avoir "substantiellement" mis en oeuvre des réformes.
Berne pourrait ainsi accentuer sa pression contre l'organisation
pour forcer cette dernière à une meilleure communication avec la
Suisse, indiquent des sources proches des autorités fédérales,
citées dans l'édition dominicale de la Neue Zürcher Zeitung.
Différents scénarios
Après avoir bloqué mercredi une somme de 208'000 francs destinée
à l'organisation, la Suisse pourrait freiner le processus de
coopération avec la Chine, l'Inde et d'autres pays émergents, écrit
la NZZ. Les autorités fédérales pourraient également tarder à
régler leur cotisation annuelle à l'OCDE - environ 10 millions de
francs - ou empêcher en 2011 la réélection du secrétaire général
Angel Gurria.
Le Département fédéral des Finances n'était pas joignable dans
l'immédiat pour commenter ces informations. Jusqu'à présent
réticente à exprimer son agacement, la classe politique suisse a
essentiellement dirigé ses critiques contre l'OCDE.
Pascal Couchepin irrité
Le ministre de l'Intérieur, Pascal Couchepin, a estimé que
l'organisation ne devrait pas "jouer au (guide gastronomique) Gault
Millau" en établissant un classement des Etats, en référence à la
liste "grise" publiée le 2 avril, et sur laquelle la Suisse a été
inscrite malgré l'assouplissement de son secret bancaire.
Selon le conseiller fédéral, cité par le journal dominical
Sonntag, l'ONU a été "humiliée" lors du sommet du G20, qui l'a
contournée et a transformé l'OCDE en "agence de notation".
La Suisse, membre de l'OCDE, estime avoir été trahie par
l'organisation avec l'établissement de cette liste et ne pas avoir
été suffisamment informée au préalable. Décidé à changer la donne,
le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz avait affirmé
mercredi vouloir "jouer un rôle plus important dans la définition"
des critères de cette liste grise.
La réaction de l'OCDE aux propos de Merz
En réaction aux propos tenus mercredi par Hans-Rudolf Merz,
l'OCDE a déploré jeudi la décision de la Suisse de geler des fonds
qui lui étaient destinés et rendu publique une lettre où elle
justifie le placement du pays sur la liste "grise".
Dans cette lettre, adressée à Hans-Rudolf Merz et datée du 2
avril, Angel Gurria qualifie d'"imprécis" les propos selon lesquels
l'organisation n'a pas été "juste" envers la Suisse. Angel Gurria
rappelle que les premiers contacts avec la Suisse au sujet de sa
fiscalité remontent à octobre 2008.
"L'OCDE a agi de bonne foi et a dûment partagé (ses) informations
avec les représentants des pays concernés", poursuit le secrétaire
général, critiquant la Suisse pour ne pas avoir signé à ce jour "un
seul accord sur l'échange d'information fiscale conforme aux
standards de l'OCDE".
Sûre de son bon droit, la Suisse a réitéré son souhait d'être
impliquée dans la définition des critères de la liste "grise",
Angel Gurria en ayant été informé dans une lettre du ministre des
Finances, selon un porte-parole du DFF.
afp/hof
"Liste grise": le Conseil fédéral savait
L'autre révélation de la presse dominicale concerne un rapport interne du Département fédéral des finances qui date de fin 2006.
Le texte évoque la menace de sanctions à cause du secret bancaire. Selon la SonntagsZeitung, le Conseil fédéral était donc au courant du danger.
Le journal explique que Hans-Rudolf Merz a ignoré ce rapport et que la surprise des autorités fédérales quand la Suisse a été épinglée était donc feinte.