En 1991, Ruth Dreifuss était présente à Genève à une réunion de mères de familles et de femmes qui combinaient l'activité professionnelle et le ménage. Elle se rappelle de personnes qui manifestaient surtout pour dire que "sans elles, la vie de famille n'était pas possible".
Ce constat, l'ex-conseillère fédérale l'estime toujours d'actualité, ainsi que le slogan qui l'accompagnait à l'époque: "bras croisés, le pays perd pied".
Dignité et revendications
Pour Ruth Dreifuss, l'idée que sans les femmes le pays ne peut pas fonctionner, c'est une évidence. Et c'est pour cette raison que la manifestation du 14 juin est importante: "la grève est une grève pour la dignité des femmes, une grève pour montrer l'importance de leurs activités, mais c'est bien sûr une grève de revendications très concrètes (...): égalité des salaires, égalité dans la retraite et égalité dans la conciliation de la vie familiale et professionnelle", explique l'ex-politicienne socialiste.
"Le 14 juin est vraiment l'occasion pour toutes les femmes d'exprimer ce qui les touche le plus, ce qui leur fait le plus mal et d'adresser ces revendications à toute sorte de destinataires: le gouvernement, le gouvernement cantonal, l'employeur bien sûr, et parfois leur mari", ajoute-t-elle encore.
"Ce n'est pas la convention collective qui compte"
L'organisation de cette grève pose encore certains problèmes car la plupart des cantons l'estiment illicite, ce qui peut dans certains cas rendre difficile la situation de l'employée qui souhaiterait manifester.
Là-dessus, Ruth Dreifuss se veut très claire: "lorsqu'on doit attendre si longtemps pour que l'égalité soit réalisée et que les discriminations cessent, ce n'est pas la convention collective de travail qui compte mais le mouvement des femmes et des hommes solidaires pour l'égalité des droits et des chances."
Si elle regrette que certains employeurs menacent des travailleuses, elle explique que le scénario était déjà le même en 1991. Pourtant, "les femmes ont trouvé mille façons d'exprimer, malgré tout, qu'elles étaient là et qu'elles revendiquaient", rappelle-t-elle.
Inégalité des salaires, des sanctions "ridicules"
Enfin, si le Parlement suisse a voté pour que les entreprises d'au moins 100 employés doivent contrôler comment est respectée l'égalité des salaires, Ruth Dreifuss estime cela très insuffisant: "les sanctions sont ridicules en cas de non-application de cette loi."
"Une raison de plus pour faire grève", conclut-elle.
Propos recueillis par David Berger:
Traitement web: Tristan Hertig