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L'indiscipline scolaire gagne du terrain en Suisse romande

Indiscipline en augmentation en Suisse romande
Indiscipline en augmentation en Suisse romande / L'actu en vidéo / 2 min. / le 16 avril 2019
Les classes dites "difficiles" sont toujours plus nombreuses en Suisse romande. Aujourd'hui, près du tiers des effectifs dans les écoles publiques seraient concernés.

Des élèves qui parlent pendant les cours, consultent leur téléphone, insultent leurs camarades et parfois même leurs enseignants. Ces scènes sont devenues quotidiennes dans les écoles romandes. Selon Jean-Claude Richoz, coach pour classes difficiles, près d'une classe sur trois connaît aujourd'hui de graves problèmes d'indiscipline. "Ça se généralise à tous les degrés de la scolarité et dans toutes les régions, aussi bien en milieu urbain qu'en campagne", précise l'ancien professeur à la Haute Ecole pédagogique de Lausanne.

Avec bien sûr des répercussions négatives sur la qualité de l'apprentissage en classe. Et sur les enseignants eux-mêmes: 61,3% d'entre eux estiment que leur état de santé s'est dégradé à cause du travail au cours des cinq dernières années. Et 42,4% seraient déjà en situation de burn-out, selon une étude de 2017 du syndicat des enseignants romands.

Une éducation trop affective

Les causes de ce phénomène sont multiples. Des erreurs sont notamment commises de la part de certains parents. "L'éducation est parfois trop dans l’affectif, mais pas assez cadrante", constate Jean-Claude Richoz. Résultat: les enseignants ont à gérer des enfants qui n'ont jamais appris à respecter de règles. "J'ai eu à faire à des ados de 15 ans qui faisaient des caprices, comme en font des enfants de 3 ans", raconte Virginie Dyens, enseignante au CO de la Glâne à Romont (FR). "Ce n'est qu'une fois arrivés à l'école qu'ils ont eu leur premier non".

Mais ce sont aussi les méthodes du corps enseignant qui sont à revoir. "J'ai pu constater qu'environ un enseignant sur trois rencontre des difficultés à se faire respecter", détaille Jean-Claude Richoz. "Parce qu'ils peinent à poser un cadre de travail structuré, à établir des règles précises et à sanctionner les élèves qui ne les respectent pas. Sans oublier de soigner le lien affectif avec les élèves. Le seul moyen pour se faire respecter."

Si la situation s'est autant dégradée au cours des dix dernières années, c'est également à cause des nouveautés technologiques. Pour les enseignants, le smartphone, c'est l'ennemi numéro un. "La plupart des conflits au sein de la classe démarrent sur les réseaux sociaux ou applications de chat", remarque Virginie Dyens. "Et c'est quand ils se retrouvent physiquement ensemble en classe que la situation dégénère". "Les enfants ont l'habitude d'être constamment stimulés, à cause notamment des médias et de leur rythme effréné. Leur capacité de concentration est extrêmement faible, ils n'arrivent plus à travailler dans le calme", ajoute Jean-Claude Richoz.

>> Voir le premier épisode de l'enquête du 12h45 :

L'indiscipline scolaire gagne du terrain, les enseignants sont au bord du burn out.
L'indiscipline scolaire gagne du terrain, les enseignants sont au bord du burn out. / 12h45 / 3 min. / le 23 avril 2019

Quelles solutions?

Pour améliorer la situation, tout un arsenal de mesures ont déjà été déployées. Par exemple en adaptant les formations initiales des enseignants, plus axées sur la pratique. C'est la voie suivie par la Haute Ecole pédagogique de Fribourg, la seule en Suisse romande qui fait appel à des praticiens formateurs. "Quand les étudiants reviennent de stage, ils apprécient de partager avec nous leurs difficultés. Et d'avoir accès à des conseils très pratiques", explique Sophie Korol qui partage son temps de travail entre l'école primaire et la HEP.

Le canton de Fribourg s'est également montré précurseur en ouvrant dès 2006 des classes relais pour le secondaire et dès novembre dernier également pour le primaire. Une cinquantaine de places sont disponibles au total pour accueillir les élèves qui posent les plus graves problèmes d'indiscipline. "Cette mesure de classe relais permet de protéger la classe, l'enseignant et l'élève lui-même", explique Marc Arrighi, directeur des mesures de soutien aux établissements scolaires.

Les élèves sont répartis dans des classes avec des effectifs de maximum 5 personnes, encadrés par une équipe d'enseignants, d'éducateurs et de psychologues. "Cette solution doit rester l'exception. C'est au sein des classes qu'il faut trouver des solutions", poursuit-il. Son service met d'ailleurs également à disposition une unité mobile, qui intervient à la demande des directions d'établissements.

"La gestion de classe est une des préoccupations principales des futurs enseignants", remarque Richard Mettraux, professeur à la HEP Fribourg. "Ils veulent qu'on leur apprenne à maintenir un cadre de travail agréable et à gérer si besoin les comportements non appropriés". Environ 20% des enseignants quittent le métier après seulement quatre années de pratique. Découragés pour certains, du temps croissant passé à éduquer, plutôt qu'à enseigner.

>> Voir le deuxième épisode de l'enquête du 12h45 :

L'indiscipline scolaire gagne du terrain.
L'indiscipline scolaire gagne du terrain. / 12h45 / 3 min. / le 24 avril 2019

Alexandre Willemin/elca

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