Le Tribunal fédéral a décidé la semaine passée d'annuler le scrutin de 2016 sur l'initiative PDC pour l'imposition des familles, faute d'information correcte de la part de l'administration fédérale. Ce verdict laisse désormais le champ libre à la discussion sur le type de taxation à privilégier pour les couples. Au mois de mai, les conseillers aux Etats vont reprendre leurs travaux en commission.
Il faut dire que depuis 1984, la Confédération vit dans l'illégalité. Il y a 35 ans, le Tribunal fédéral avait mis le doigt sur l'inégalité qui consistait à taxer certains couples mariés davantage que les concubins. Les cantons ont corrigé ce déséquilibre, mais pas la Confédération, faute de majorité politique sur le système à mettre en place.
Système alternatif
Le Conseil fédéral propose de calculer la taxation la plus favorable financièrement pour le couple, entre taxation individuelle et taxation commune, une solution qui recueille les faveurs du PDC et de son conseiller national Guillaume Barazzone.
"Un père ou un mère qui reste à la maison pour s'occuper de ses enfants ne sera pas pénalisé par rapport à l'imposition individuelle", explique le Genevois. "Parce que l'on sait que les couples où l'un des membres gagne beaucoup et l'autre peu sont aujourd'hui désavantagés. Le fait d'avoir deux filtres permettra d'enlever toutes les inégalités de traitement qui existent aujourd'hui dans le droit fédéral."
Imposition individuelle
Mais pour le PS et le PLR, ce système alternatif comporte beaucoup de complications. Les deux partis privilégient l'imposition individuelle, plus équitable à leurs yeux. C'est également la solution qui colle le mieux à la société d'aujourd'hui, selon le président du Parti socialiste Christian Levrat.
"Il s'agit d'avoir un système fiscal moderne, adapté à la vie de la plupart de nos familles, dans lesquelles on a généralement deux revenus", estime ce dernier. "Chacun des époux est taxé en fonction de ses revenus, ce qui incite également à avoir une répartition plus égale à l'intérieur des familles."
Cette solution, plus moderne, pourrait toutefois s'avérer ardue au moment de sa réalisation, selon Yves Noël, professeur de droit fiscal à l'Université de Lausanne et spécialiste de la fiscalité des familles. "La taxation individuelle est tendance, mais elle est aussi compliquée à mettre en place dans un système fédéraliste comme la Suisse, où elle devrait être instaurée dans les 26 cantons", explique-t-il au micro de La Matinale mercredi.
Coefficient de correction
Ces derniers, de leur côté, privilégient l'imposition commune corrigée par un coefficient qui permet d'effacer les inégalités entre les couples mariés et les concubins. Pour Yves Noël, cette solution de 'splitting' semble idéale. "En Allemagne, les contribuables mariés ont le choix entre remplir une déclaration - une taxation commune corrigée par un coefficient - ou deux déclarations séparées. Or, seulement 5% utilisent cette dernière solution", illustre-t-il, preuve à ses yeux "de l'équité de ce système".
Après 35 ans, les fronts sont donc toujours bien délimités sur la question de l'équité fiscale pour les couples mariés, et les discussions à venir s'annoncent animées.
Muriel Ballaman/kkub