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Jura: l'AIJ préfère s'en remettre au peuple

Berne reste ferme sur la question jurassienne.
L'Assemblée interjurassienne a remis son rapport final sur la Question jurassienne.
Quinze ans après sa création, l'Assemblée interjurassienne (AIJ) a remis lundi son rapport final sur la Question jurassienne. Ce texte pose un nouveau jalon, mais ne tranche pas sur l'avenir du canton du Jura et du Jura bernois.

Entre la création d'un nouveau canton à six communes et celle
d'un statu quo amélioré, aucune des deux pistes ne s'impose
politiquement, estime l'AIJ qui souhaite avant tout que le peuple
des deux régions se prononce.



Adopté à la double majorité des deux délégations, contre cinq
oppositions, le rapport final a été remis lundi en fin de matinée,
après plus de deux ans de travaux, par les responsables de l'AIJ à
la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, à la ministre
jurassienne Elisabeth Baume-Schneider et au conseiller d'Etat
bernois Philippe Perrenoud.

Pas de solution toute faite...

Le rapport de l'AIJ ne tranche pas. Il se veut empreint de
nuances et le fruit du consensus. "Beaucoup de gens attendaient de
l'AIJ qu'elle présente une piste ou l'autre piste comme étant LA
solution à la Question jurassienne. Ce qu'elle ne saurait faire: ce
serait un manque d'intelligence et de sagesse", a relevé le
président de l'AIJ Serge Sierro. Selon l'ancien conseiller d'Etat
valaisan, "personne ne peut régler la question par une solution
toute faite".

... ni de mariage forcé

Pour sa part, Eveline
Widmer-Schlumpf a rappelé le credo du Conseil fédéral: "Rien ne
sera imposé". "Un mariage forcé ou même suggéré avec force n'est
pas dans nos moeurs, a souligné la conseillère fédérale, rappelant
les vertus helvétiques du "respect, de la tolérance et de la
patience". "Brusquer les choses ne produirait rien de bon".



Pour l'AIJ, la solution politique au conflit jurassien réside dans
la capacité des deux régions à respecter leurs spécificités, à
poursuivre le dialogue interjurassien et à mener un débat
démocratique ouvert et serein sur l'avenir de la communauté
interjurassienne.



"Par leur contribution au débat public et leur sanction
démocratique, c'est à dire un vote populaire, les citoyens des deux
régions apporteront d'eux-mêmes une solution politique au conflit
jurassien", relève encore l'Assemblée interjurassienne dans son
rapport final.

Statu quo insatisfaisant

Trois pistes ont été étudiées:
premièrement, la création d'un canton formé de six communes, sur la
base de structures nouvelles. La capitale de ce canton serait
située à Moutier. Selon une étude financière du professeur Claude
Jeanrenaud, une telle entité est financièrement viable moyennant un
effort de rationalisation. Elle présenterait des gains à la fois
pour le Jura bernois (entre 26,4 et 38 millions de francs) et le
Jura (entre 94,8 et 111,1 millions).



L'AIJ estime en revanche que le statu quo n'est pas satisfaisant,
en raison des difficultés rencontrées par la concrétisation du
partenariat direct entre les deux régions.



L'AIJ a retenu une autre piste, celle du statu quo amélioré. Cette
proposition s'articule sur une simplification institutionnelle, sur
la réduction du nombre de communes dans les deux régions, sur le
renforcement du partenariat direct et sur des perspectives au
niveau de l'Arc jurassien.



Quant à l'idée d'un canton de l'Arc jurassien, comprenant les deux
Juras et Neuchâtel, elle n'a pas été clairement étudiée par l'AIJ.
Toutefois, cette perspective a été énoncée que ce soit dans le cas
d'un canton à six communes ou dans le cas d'un statu quo
amélioré.

Informer le public

L'AIJ propose de procéder à une phase d'information à l'échelle
interjurassienne, le dépôt d'un rapport à ce sujet auprès de la
Conférence tripartite.



Les gouvernements décideront enfin, sous l'égide de la
Confédération, de la suite à donner aux propositions de l'AIJ. Ils
apprécieront en temps voulu l'opportunité et les modalités d'une
éventuelle consultation populaire.



L'AIJ souhaite qu'une charte démocratique soit adoptée afin que le
dialogue reste ouvert et empreint de respect et de tolérance.



ats/ap/ant

Des réactions contrastées

Si les autorités jurassiennes sont
enthousiastes à l'idée d'un vote populaire sur la création d'un
nouveau canton, le canton de Berne se montre moins
empressé.



Philippe Perrenoud a relevé que cette proposition ne recueillait
pas l'unanimité. Le Conseil-exécutif du Jura bernois ne proposera
par ailleurs aucune solution sans en avoir analysé les conséquences
pour Bienne.



De son côté, Force démocratique, qui rassemble les
pro-bernois
, est fondamentalement opposée à un scrutin
populaire. Elle "rejette le contenu du rapport qui n'est pas en
adéquation avec les aspirations" du Jura bernois. Elle constate que
l'AIJ privilégie la variante qui conduirait pratiquement à
l'annexion du Jura bernois par le canton du Jura et estime que le
maintien des trois districts dans le giron bernois s'impose.



Le Mouvement autonomiste jurassien (MAJ) a quant
à lui accueilli les conclusions de l'AIJ avec satisfaction. A
l'instar de l'AIJ, le MAJ considère que "la constitution d'un
nouveau canton sur des bases absolument nouvelles offre à la région
interjurassienne une véritable opportunité de changement et
d'innovation". Il s'engage à redoubler d'énergie afin que les
enjeux de la Question jurassienne soient encore mieux cernés par
les autorités et les populations concernées.



"Il n'y aura pas de solution à la Question jurassienne sans tenir
compte de Bienne", a déclaré le maire de la ville seelandaise
Hans Stöckli. "La ville de Bienne ne peut exister
qu'au sein d'une entité cantonale bilingue", ont martelé Hans
Stöckli, le maire de la commune d'Evilard et la présidente du
Conseil des affaires francophones Béatrice Sermet.

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Du Congrès de Vienne au rapport de l'AIJ

Voici quelques dates parmi les plus importantes de la Question jurassienne, du Congrès de Vienne à la publication du rapport de l'AIJ le 4 mai.

1815: le Congrès de Vienne attribue au canton de Berne l'Evêché de Bâle. L'ancienne principauté des princes-évêques comptait sept districts: Porrentruy, Delémont, les Franches-Montagnes, Moutier, Courtelary, La Neuveville et Laufon.

1947: année-clé dans la lutte pour l'indépendance de la minorité francophone. La majorité alémanique du Grand Conseil bernois refuse que le Jurassien Georges Moeckli dirige le Département des travaux publics prétextant qu'un département aussi important ne saurait être confié à un Romand.

1er mars 1970: le canton de Berne accepte à une forte majorité l'additif constitutionnel qui va permettre aux Jurassiens de se prononcer sur leur indépendance. A condition que les districts la refusant aient l'occasion de se prononcer une seconde fois. Il ouvre ainsi la voie à la partition du Jura.

23 juin 1974: premier plébiscite dans les sept districts. Par 36'802 voix contre 34'057, la majorité de l'électorat accepte la création du canton du Jura. Mais seuls les districts de Delémont, Porrentruy et des Franches-Montagnes s'expriment en faveur d'une séparation. Ceux du Sud s'y opposent.

16 mars 1975: les trois districts du sud du Jura, Courtelary, Moutier et La Neuveville, se prononcent à 70% pour le maintien dans le canton de Berne.

7 septembre 1975: quatorze communes limitrophes de la nouvelle frontière se prononcent une nouvelle fois sur leur appartenance cantonale. La ville de Moutier décide à une faible majorité de rester dans le canton de Berne.

24 septembre 1978: le peuple suisse - et tous les cantons acceptent par 82,3% de «oui» la création du nouveau canton constitué des districts de Delémont, de Porrentruy et des Franches-Montagnes.

29 novembre 1998: lors d'un vote consultatif, les citoyens de la ville de Moutier refusent par 1932 voix contre 1891 de quitter le canton de Berne pour rejoindre celui du Jura.

12 septembre 2003: remise à Delémont de l'initiative «Un seul Jura» du Mouvement autonomiste jurassien. Ce texte demande que le Jura présente une offre de partage de souveraineté avec le Jura bernois en vue de la création d'un canton.

22 mars 2006: le Parlement jurassien adopte sans opposition et sous les applaudissements la loi «Un seul Jura».

28 août 2006: l'AIJ donne le coup d'envoi à l'étude sur l'avenir institutionnel de la région jurassienne.

4 mai 2009: l'AIJ présente son rapport sur l'avenir de la région jurassienne. Elle estime que la solution réside dans une votation populaire organisée par les cantons du Jura et de Berne.