Les femmes sont-elles plus sensibles que les hommes à la protection de la nature? C'est la question qu'on pourrait se poser à la lumière de plusieurs études de psychologie sociale ou comportementale. L'une d'entre elles, parue le mois dernier dans la revue Nature Climate Change, montre que les femmes, lorsqu'elles sont majoritaires pour prendre des décisions, agiraient de façon plus respectueuse de la nature.
En Suisse, on se rappelle que la décision historique de sortir du nucléaire a été prise par un Conseil fédéral qui comptait, à l'époque, une majorité de femmes. Mais de là à penser que seules les majorités féminines sont capables d'agir en faveur de l'environnement, il y a tout de même un pas...
L'étude, parue dans Nature Climate Change, met en scène plusieurs communautés au Pérou, en Tanzanie et en Indonésie. Il s'agit d'un jeu de rôle, mené dans une trentaine de villages.
Les protagonistes pouvaient gagner de l'argent de deux manières: soit, chacun de leur côté, ils coupaient des arbres et étaient payés, individuellement, pour chaque arbre abattu. Soit le groupe, la collectivité, recevait un montant global, à partager, et ce, à condition de ne pas couper d'arbre du tout.
Il y a chez les femmes une tendance à réfléchir sur le long terme
L'étude montre que les groupes constitués à majorité de femmes décidaient plus souvent de s'en remettre à la deuxième solution, plus solidaire, plus respectueuse de l'environnement.
La conseillère nationale verte Adèle Thorens n'est pas surprise. "Dans mon expérience politique, j'ai remarqué qu'il y a chez les femmes une tendance à réfléchir sur le long terme. Elles pensent souvent de manière transversale ou systémique. C'est la base de l'écologie: réintégrer l'humain dans un système naturel."
L'écologie, un truc de "bonnes femmes"?
Ce n'est pas la seule étude à aller dans ce sens. Il y en a d'autres, plus anecdotiques peut-être. Celles qui montrent par exemple que les hommes dépensent, d'une manière générale, plus d'énergie que les femmes.
Ou d'autres encore, qui indiquent qu'un mode de vie respectueux de l'environnement (réduire son empreinte écologique, manger moins de viande, chercher une certaine décroissance) serait encore perçu par une majorité des hommes comme une atteinte à leur virilité. Du moins, ce serait le cas en Chine et aux Etats-Unis, puisque c'est là que cette enquête a été menée.
"C'est la part féminine de l'être humain qui est plus sensible à la nature, admet Philippe Roch, écologiste, ancien directeur du WWF et de l'Office fédéral de l'environnement. Cela tient au rôle du féminin dans l'histoire de l'humanité: la reproduction, la protection de la vie. Mais attention, il ne faut pas créer de catégories, cette part féminine est en chacun de nous".
Il ne faut pas créer de catégories, cette part féminine est en chacun d'entre nous
Le machisme serait-il alors un frein à la lutte contre le changement climatique? C'est une hypothèse qui rejoint, d'une certaine manière, le propos des éco-féministes. L'éco-féminisme, c'est un mouvement militant assez ancien qui remonte aux années 1970, mais il connaît, en ce moment, un regain d'intérêt chez les jeunes.
On le voit aujourd'hui, avec la montée en puissance de deux grands combats : celui des femmes, pour le respect et l'égalité, et, en même temps, celui en faveur du climat et de l'environnement.
Deux combats, deux luttes, qui pour certaines et certains, ont tout pour converger, puisqu'ils peuvent désigner un ennemi commun: cet ennemi, c'est l'ordre établi, celui du patriarcat et de l'économie thermo-industrielle. Un ordre qui reposerait (toujours selon les éco-féministes) sur l'exploitation et la domination de la nature et des femmes. Un ordre souvent défendu par les mêmes figures de la bourgeoisie masculine.
Rinny Gremaud/pw