Présenté conjointement jeudi à Berne par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), le projet d'orientation stratégique de la coopération internationale de la Confédération pour 2021 à 2024 prévoit un accent plus marqué sur les intérêts suisses, la croissance économique et le potentiel du secteur privé. Le conseiller fédéral Ignazio Cassis a parlé d'une approche "novatrice".
Intérêts suisses mieux pris en compte
"L'accent sera principalement mis sur la création d'emplois sur place, la lutte contre les changements climatiques et les causes des migrations irrégulières et forcées, ainsi que l'engagement en faveur de la paix et de l'Etat de droit", ont expliqué les deux départements.
La coopération et l'aide au développement tiendront aussi mieux compte des intérêts helvétiques, notamment en matière de politique migratoire. Cette dernière question sera par exemple à l'avenir systématiquement inclue dans la conclusion d'accords de coopération.
Le DFAE et le DEFR souhaitent également "améliorer l'efficacité" de l'aide par "un recentrage des priorités thématiques et géographiques et l'utilisation des innovations et des technologies numériques". La nouvelle orientation doit permettre de réagir avec une plus grande souplesse aux crises et aux opportunités, ajoutent-ils.
Désengagement d'Amérique latine
Quatre régions seront désormais prioritaires, au lieu de six auparavant, pour la coopération bilatérale au développement: l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, l'Afrique subsaharienne, l'Asie (Asie centrale, du Sud et du Sud-Est) et l'Europe de l'Est. Le Proche-Orient fait désormais partie du Moyen-Orient. Et l'Amérique latine n'y figure plus: le rapport parle de "désengagement progressif d'ici 2024".
Le DFAE précise qu'il transférera progressivement, d'ici à 2024, des ressources affectées à certains pays à revenu intermédiaire vers ces quatre régions prioritaires, "afin d'accroître l'efficacité de son engagement". Conséquence: le nombre de pays prioritaires de la Direction du développement et la coopération (DDC, bras humanitaire du DFAE) passera de 46 à 34.
La Bolivie, Cuba, Haïti, le Honduras, le Nicaragua, l'Azerbaïdjan, la Mongolie, le Pakistan, l'Eswatini (Swaziland), le Lesotho, le Malawi et la Zambie n'en feront plus partie.
Le DEFR poursuivra cependant ses activités de coopération économique au développement dans un nombre limité de pays partenaires dans les quatre régions prioritaires ainsi que dans certains pays émergents d’Amérique latine.
ats/oang
Objectifs financiers pas atteints
Le budget proposé pour cette période s'élève à 11,37 milliards de francs (avec cinq crédits-cadres), contre 11,11 milliards adoptés définitivement pour la période 2017-2020. Cela représente 80 centimes par jour par habitant, a souligné Ignazio Cassis.
Avec cette proposition, la Suisse consacrera ainsi 0,45% de sa production économique (Revenu national brut - RNB) à l'aide au développement, soit moins que l'objectif déclaré de 0,5% et surtout de 0,7% fixé par l'ONU pour la communauté internationale.
"Nous sommes sur la bonne voie", a pourtant commenté le chef du Département fédéral des affaires étrangères.
Une consultation publique
C'est la première fois que le projet fait l'objet d'une procédure facultative de consultation publique.
Les cantons, les partis politiques représentés aux Chambres fédérales, les communes, les villes et les régions de montagne, les organisations faîtières de l'économie ainsi que d'autres cercles intéressés sont invités à donner leur avis d'ici au 23 août.
Une fois la consultation terminée, le Conseil fédéral soumettra début 2020 au Parlement le message sur cette coopération internationale pour la période de 2021 à 2024.
Dans un communiqué, Caritas Suisse se réjouit d'un tel débat public, "nécessaire pour pallier le déficit généralisé de connaissances sur ses possibilités et ses limites." L'organisation humanitaire considère que l'orientation du nouveau message est "en principe judicieuse." Mais elle considère que la lutte contre la pauvreté doit être placée au centre des préoccupations.
C'est le cas d'Alliance Sud, coalition d'ONG souhaitant influencer la politique de la Suisse en faveur des pays pauvres, qui plaide pour une diminution de la souffrance et de la pauvreté. Cela doit rester une priorité, insiste-t-elle jeudi dans une première réaction.